« À quoi ça sert la vie ? »
Question imprévue étrange
par Tikulass Yon (19/05/2019)

Ajout

  Mon fils regardait ce jour un dessin animé « Le monde incroyable de Gumball » sur chaine Gulli pour enfants, et les personnages se débattaient avec la question philosophique « à quoi ça sert la vie ? », ne trouvant pas de réponse, et un personnage rencontré disait, sans convaincre : « la vie sert à se trouver soi-même ». Et moi adulte un peu penseur (comme tout le monde), qu’est-ce que je répondrais à cette question ?

Préambule :
  Il y aurait besoin d’une définition de « servir », mais c’est peut-être mal traduit, créant une ambiguïté là où il n’y en avait pas en américain :
– Il me semble que le mot « servir » est ici employé dans un sens annexe. Il ne s’agit pas d’esclave servant un maître etc. mais d’utilité. « Ça sert à » intransitif n’est pas du tout servir quelqu’un ou servir une cause. C’est plutôt la contribution à un but. La question serait donc « quel est le but de la vie ? ».
– Une autre approche, religieuse fanatique, consisterait à dire que le but de Tout et Tous est de « servir » Dieu/Allah/Yahvé/Grand Manitou, etc. Bof, ça ne m’intéresse pas.

Examen à plusieurs niveaux :
1/ Point de vue universel
– Le fait que l’Univers ait un but n’est absolument pas convainquant. La réponse « (il semble que) il n’y a pas de but » est très possible.
– Des croyants religieux affirment que le but de l’Univers est (pour Dieu qui l’a créé) de générer des humains (et éventuellement extra-terrestres) qui vont L’adorer. Bof, ça ne me convint pas du tout, ce sale type hyper-narcissique ne serait pas un Bon Dieu. Si je créais un petit univers artificiel, je n’exigerais nullement que ses créatures M’adorent, quelle idée absurde (le but serait que ça fonctionne sans raté total, pas que ça Me glorifie nommément à chaque seconde) !
– En jouant sur les mots, on peut aussi dire que l’Univers a une vie, c’est-à-dire un début genre Big Bang, un écoulement et une fin éventuelle, genre Big Crush (nouveau Big Bang ou extinction), mais ça ne respecte pas les définitions de la vie biologique, c’est peu convaincant.
2/ Point de vue terrestre
– Pour la planète Terre, mortelle (comme le Soleil selon les scientistes), on peut envisager que le but soit de survivre longtemps, quoique ce soit une conception anthropomorphique liée à notre peur de la mort. Bref, le but de la vie, pour la Terre, serait peut-être de générer une espèce savante développant des puissances spatiales capables de détourner ou détruire les astéroïdes qui l’auraient explosée en mille morceaux, quoiqu’on ne voie pas bien pourquoi ce serait un drame à éviter, ces morceaux constituant simplement une modalité du n’importe quoi. Selon la pensée athée matérialiste, il n’y a aucun but pour la planète.
– Autre approche : la planète serait elle-même l’être nommé je crois Gaïa qui vise à s’auto-réguler mais sans se répliquer, ça semble un jeu de mot encore. Si elle visait la persistance, elle se serait trompée en générant la vie à ADN, qui a débouché sur l’humanité développant de quoi exploser tout par feu nucléaire. Enfin, en un sens, pour que Gaïa survive, le but de la vie humaine serait d’exterminer l’espèce humaine, dangereuse. Bof, c’est grave et peu convaincant dans le doute.
3/ Point de vue biologique
– Pour la vie établie, le but serait de survivre, s’adapter aux changements subis. Pour cela, il peut y avoir des sacrifices altruistes façon fourmis soldats ou abeilles se tuant en piquant.
– Il n’est pas du tout évident que ce soit un but conscient, ça peut être un automatisme, et il n’y aurait rien de spécial à faire : pas besoin de tendre à accomplir effectivement ce but.
– La question du but humain vis-à-vis de la vie en général n’est pas claire non plu’. Comme il est annoncé que les humains font disparaître un nombre faramineux d’espèces animales, pour servir la vie faudrait-il éradiquer l’espèce humaine ? ou la faire abolir ses pratiques antinaturelles ?
4/ Point de vue humain
– Pour l’humanité, on peut pareillement imaginer que le but soit la survie durable. Puisque cette vie est déjà là, la vie qui est questionnée semblerait celle de nouveaux humains. Le but serait alors de perpétuer l’espèce, sachant que nous sommes mal fichus : mortels.
– Je conteste personnellement ce but prétendu : je préfère le mot de Schopenhauer : si l’humanité disparaissait, il n’y aurait plu’ d’humain malheureux. C’est un autre but, généreux différemment, pour une euthanasie générale, l’ennui étant que les pas-d’accord hurlent. Les avis sont divers, donc.
5/ Point de vue groupiste/tribal
– A l’échelle intra-humaine, un groupe peut aussi viser la survie sous forme différenciée (racistement dirais-je), en refusant les mélanges et dilutions dans l’humanité. Le but serait alors une forme de xénophobie. Comme dans la nouvelle de Fredric Brown où un gars du Sud (des USA), Blanc, tue son beau-frère génial et beau expliquant qu’il vient du futur où toutes les races se sont mélangées, le tueur concluant « sale nègre »… Dire cela avec les mots « Juif » et « sale goy » serait passible de prison, compte tenu des dominances en place actuellement.
– Je n’aime pas ce tribalisme raciste : je préfère l’humanisme ne rejetant pas les étrangers (au risque d’être classé antisémite). On pourrait dire donc, en sens inverse que le but serait de tendre vers une humanité unie en abrogeant le tribalisme, mais là encore, des hurlements de désaccord seraient innombrables, avec force de loi (en Occident : prison pour antisémitisme à ceux mettant en doute le peuple « supérieur », comme en Afrique du Sud au temps de l’apartheid).
6/ Point de vue individuel
  A l’échelle individuelle, la signification semble « quel est le but de ma vie à moi ? », cela peut avoir plusieurs significations entraînant autant de réponses distinctes :
– Participer à un but supérieur (religieux, politique, médical, familial, scientifique, mathématique, artistique, etc.)
– Atteindre un équilibre personnel (nirvana, « bonheur », « se trouver soi-même », etc.)
– Apporter une amélioration sans plu’ faire de mal (écologie, végan, etc.)
  Il y a aussi des cas très particuliers :
– Pour un comateux en état végétatif depuis dix ans (comme Vincent Lambert dont parle la télé en ce moment), le but du maintien artificiel en vie (éventuel) semble d’attendre une guérison miraculeuse (possible et à croire avec force notamment pour les croyants religieux, du moins la sous-catégorie ne croyant pas vraiment à la résurrection des morts).
– Pour un meurtrier violeur d’enfants multirécidiviste, que la loi étasunienne ou la population française condamnerait à mort, le but du maintien en vie (éventuel) enfermé éternel semble de ne pas charger la conscience des décideurs, qui deviendraient tueurs en condamnant à l’arrêt de vie.
– Pour un suicidaire appelé à rester vivre en dépit de son désespoir incurable, cet appel imposé est un mixte des deux cas précédents : maintenir un espoir de guérison miraculeuse, ne pas charger la conscience de la tueuse ayant brisé un cœur, à quoi s’ajoute éventuellement la requête de personnes aimantes éventuelles.
7/ Point de vue autocentré
  A mon niveau, personnellement, qu’est-ce qui me ferait dire « ma vie a atteint ce qui était son but (selon moi en cours de route, adulte) ? ». (La question se pose particulièrement à moi cancéreux, comme à une personne âgée dite « en fin de vie », si la mort du moi a un sens, ce dont je ne suis pas sûr).
– Ce n’est pas d’avoir transmis mes gènes (dogme darwinien que je trouve idiot) ni d’avoir perpétué mon nom de famille (dogme patriarcal que je trouve idiot), mais c’est vrai que si j’ai contribué à la clairvoyance universelle (en philosophie, mathématique), ce serait bien, et en un sens « contrat rempli amplement ».
– Par ailleurs, si mes dessins créatifs et maquettes inventives ont enrichi l’histoire aéronautique, si mes nouvelles ont enrichi la littérature romantique introvertie, si mon invention de mouvement perpétuel s'avère marcher, ce sera une petite satisfaction supplémentaire, ayant créé quelque chose qui n’aurait pas été si je n’avais pas vécu (en un sens, "je ne serais pas venu sur Terre pour rien de rien").
Conclusion
  Il y avait donc au moins une quinzaine de réponses possibles, différentes ou contradictoires, nullement convaincantes, mais ça aurait pu faire réfléchir, oui, chatouillant les fausses évidences de la pensée unique abrutissante.

------------- Complément (20/05/2019)
  J’envisage 2 éléments de discussion :
– Crois-je un peu « n’importe quoi » au sujet de la vie ? Crois-je sérieusement à la résurrection des morts, aux miracles, à la réincarnation ?
. La résurrection des morts existe, j’en ai été témoin, revoyant mon grand-père paternel plus d’une décennie après sa mort officielle et discutant avec lui de mathématiques, notre passion commune. Certes, cela est étiqueté rêve mais j’ai démoli par la logique toutes les prétentions au Réel (dans mon livre « Echapper à la dictature réaliste »), donc la scission du monde entre Réel crédible et Rêves absurdes ne tient plu’. De même, la réincarnation ne me parait pas du tout exclue, comme devenir chat après avoir été humain et avant de le redevenir. Le matérialisme athée classe ça en idiotie ou maladie mentale, mais j’ai invalidé ce matérialisme, simple choix de valeur logique nulle (c’est donc la croyance fanatique en celui-ci qui est idiotie). Ceci dit, ça ne répond pas spécialement à la question « quel est le but de la vie ? ».
. Tout d’abord je dénie la vie purement biologique en considérant qu’un caillou immobile (à notre échelle de temps) peut être aussi respectable (« pourvu d’âme » en quelque sorte) qu’une plante (elle-même moins bougeante que des animaux). Et je considère que tout ce qui se présente relève du n’importe quoi sans en connaître le sens (s’il y en a un, ce qui n’est pas sûr). Donc la vie me semble un terme peu clair, et le but est normalement inconnu, en première estimation comme après réflexion. Enfin, j’essaye d’éviter les désagréments (genre soif) et j’aime bien les agréments (genre boisson sucrée), mais j’ai l’expérience de rêves tordus où le moi qui rêvait m’imposait des désagréments pour mieux me consoler après. Depuis la position de « moi rêvé », je n’ai aucune espèce d’accès au but (du « moi rêveur »).
– Que dit la Science des frontières de la Vie ?
  Le magazine Science et Vie n°1218 de Mars 2019 contient un article intéressant sur « les nouvelles frontières de la vie, enquête chez les presque-vivants » (20 pages : p66-85).
. Le point de départ est assez décevant, car fondé sur « le pentagramme de la vie : posséder une membrane qui individualise, se reproduire, évoluer, entretenir un métabolisme interne, couplage de toutes les qualités » (le caillou ayant 0/5 et poulet/plante/bactérie 5/5). Il s’agit là exclusivement de la vie biologique, matérielle connue, et des êtres vivants immortels n’auraient aucun besoin de se reproduire, des êtres ondulatoires (comme dans certaines histoires de science-fiction) n’auraient pas de membrane ni de métabolisme, des êtres parfaits ou isolés des dangers n’auraient aucun besoin d’évoluer, bref il ne s’agit en rien d’une définition « nécessaire et suffisante » mais d’un bla-bla descriptif manquant d’imagination. Au passage, je trouve totalement absurde le critère « se reproduire » (« Un organisme est caractérisé par une information qui lui est propre. Il doit être capable de la reproduire et de la transmettre à une génération suivante ») : est-ce qu’un humain stérile n’est pas vivant ? cela frôle la bêtise profonde. De même, la vigne mutante à grains de raisin sans pépin est stérile mais aussi vivante que ses cousines avec pépins. Enfin, des vrais jumeaux n’ont pas chacun une information génétique différente, et ils sont pourtant vivants, de même que des clones animaux possiblement produits en millions d’exemplaires.
. Ensuite il est dit qu’entre la non-vie et la vie, il y a davantage un continuum qu’une frontière brutale. Dans l’espace entre les deux, sont cités des pré-vivants (composomes lipidiques), para-vivants (virus géants), post-vivants (organelles comme les mitochondries), voire des modèles sans carbone (azotosomes) ou sans électromagnétisme (stellivores). Dans tous ces cas, il n’y a apparemment aucune volonté, seulement des mécanismes automatiques de séparation interne/externe, de réplication, d’évolution subie. Mais puisque c’est vu de l’extérieur, ce n’est qu’une apparence, affirmer que ces formes n’ont aucun but propre est subjectif, un peu comme Descartes se trompait tout à fait en affirmant doctement que les animaux sont des machines 100% instinctives automatiques. En ignorant la richesse de l’éthologie animale, révélant des équivalents de la sociologie humaine (recherche de domination, de plaisir, utilisation de découvertes personnelles et transmission à d’autres individus, compassion empathique même inter-espèces, etc.). L’esprit cartésien est une escroquerie totale, consistant à appeler des croyances : « vérités rationnelles prouvées » parce qu’il s’agit de croyances chez quelqu’un se prétendant rationnel (à tort).
. Bof, ça enrichit vaguement le sujet « quel est le but de la vie » mais sans apporter d’élément changeant tout, la réponse restant un grand point d’interrogation. Certes, dans ce mystère, on peut mettre un peu n’importe quoi, et des « scientifiques » peuvent comme tout le monde affirmer diverses choses. Ainsi la théorie darwinienne est parfois lue comme volonté : « telle bactérie a voulu résister à tel antibiotique », et ce n’est qu’une façon de parler, une forme d’interprétation pour ce qui peut inversement être lu comme mutation par erreur involontaire mais apportant un succès. Il y a d’ailleurs eu une thèse étasunienne prétendant concilier darwinisme et religiosité : la théorie du « dessein intelligent » : l’évolution qui nous parait aléatoire serait en fait guidée de Très Haut par Dieu, pour accomplir ce qu’Il veut (Lui ou Le Diable, pour les mochetés atroces), le but nous étant inconnu mais étant simplement le Royaume de Dieu. C’est aussi une forme de n’importe quoi affirmatif invérifiable, je préfère le doute.