NE PLUS M'EDITER... MAIS MÉDITER (SUR INTERNET)...
comment digérer la non-réponse des éditeurs, autrement maintenant

par Kristof Malcor, 02/01/2008


    J'ai reçu pour Noël 2007 le livre "Je m'édite… du verbe éditer – L'auto-édition… ou comment devenir son propre éditeur" (de Jean-Marc Truchet, présenté/vendu à http://www.la-plume-du-temps.fr/5-2.htm ). C'est un ouvrage intéressant, sérieux et documenté, mais incomplet – mes voies semblant ignorées et partiellement insultées, sans examen.
    Par expérience, je pense que mes remarques et objections ne recevront pas de réponse, en tout cas pas de prise en compte pour un ajout ou correction de l'auteur. Je les mets sur Internet ici (par contre, si je reçois des objections intéressantes à mon tour, je les présenterai/discuterai ci-après – me joindre à cmeunier@infonie.fr cmeunier27@free.fr).

INTRODUCTION
    Voici ma première lecture du sommaire au dos de la couverture "Je m'édite… du verbe éditer" (reclassé selon les idées que cela me suggère):
1.
POURQUOI ECRIRE ?
LE CHOIX DU SUJET ET LES LIMITES DE L'ÉCRIT
LA QUALITÉ DE RÉDACTION

--> Poser les questions en ces termes risque de limiter le sujet à un point de vue frivole et traditionaliste.
2.
LA RÉALITÉ DU MARCHÉ
COMMENT VENDRE SES OEUVRES

--> Il manque au préalable des questions essentielles : Pourquoi diffuser ? Pourquoi faire payer ? qui déboucheraient sur des alternatives esquivant bien des problèmes.
3.
LE CHOIX DU RÉGIME D'ÉDITION
LE VOLUME DE L'OUVRAGE ET LES ILLUSTRATIONS
LA PROTECTION INTELLECTUELLE DE L'ŒUVRE, LE RÉFÉRENCEMENT INTERNATIONAL, LES ASSURANCES, LA LÉGALITÉ PROFESSIONNELLE, RÉGIME FISCAL, OPTIONS COMPTABLES

--> Il peut s'agir de faux problèmes (disparaissant si on ne choisit pas la voie éditoriale) ou de questions parasites dans un contexte détestable (qu'il conviendrait de dénoncer plutôt que de subir)

MON EXPÉRIENCE : L'ÉCRITURE N'IMPLIQUE PAS DE VENDRE
* Pourquoi écrire ? (activité solitaire)
A/ APPORT CONSÉQUENT. La plus noble raison est d'écrire ce que l'on aurait aimé lire, hélas aucunement proposé. Au moins deux contextes sont envisageables :
– cri intérieur domestiqué : un sujet apparemment étouffé, de manière choquante – cas de mes écrits philosophiques, politiques, statistiques et maintenant religieux – un auteur anonyme peut apporter davantage en 8 pages que l'intelligentsia autorisée avec son dernier milliard de pages...
– loisir enrichi : un sujet hélas méprisé, pour raison de tradition – cas d'une part de mes écrits aéronautiques
B/ LOISIR FRIVOLE. En dehors de l'activité professionnelle (et/ou responsabilité familiale), beaucoup d'individus ont des loisirs, parfois créatifs (plutôt qu'ingurgiter passivement des discours ou divertissements). Après éventuelle déception dans une telle activité (modélisme dans mon cas) peut se présenter la question "que faire d'autre ? planter des fleurs, me lancer dans la sculpture, écrire ?" Inventer un texte, l'améliorer, l'illustrer de dessins inventés, me paraît plaisant. C'est la situation qui a conduit à une partie de mes écrits aéronautiques.
C/ SUPPORT. Les constructions de la pensée peuvent se suffire à elles-mêmes, dans bien des cas, mais l'écriture manuscrite permet de se relire, pour retrouver un sentiment plaisant ou engager un complément en nouvelle approche. J'ai connu cela pour mes ouvrages sentimentaux.
D/ AMBITION DÉMESURÉE. Une idée naïve est d'imaginer que – sans talent sportif – un anonyme pourrait devenir connu de par ses qualités d'auteur. Il y a deux variantes à cette voie :
– mégalomanie : présomption orgueilleuse
– rêve romantique : j'ai connu ça, espérant qu'une improbable célébrité m'aiderait à retrouver une amie perdue de vue (Internet et ses sites de retrouvailles d'anciens amis évitent le recours à cette voie, une approche humble devenant heureusement possible, si l'on a de la chance.)
* Pourquoi un livre ? (matériellement)
Ordonner des écrits en livre (imprimé, relié, avec tranche lisible sur une étagère) est une forme de classement comme une autre, simplement classique, fruit de l'éducation "à l'ancienne". C'est respectable, mais facultatif. Les écrans d'ordinateur fournissent le même contenu, de manière certes moins pratique (difficile à lire au lit, dans le bus) mais sans sacraliser artificiellement la notion de livre, qui requiert un nombre conséquent de pages, un point final.
* Pourquoi diffuser ? (ouverture vers autrui)
E/ OFFRIR. Si l'on a le sentiment d'avoir écrit quelque chose de bien, ne pas le garder égoïstement pour soi-même peut relever de la générosité, ou traduire une tentative de relative sociabilité, un geste apaisant une forme de culpabilité ressentie dans l'introversion. C'est compréhensible, facultatif, un peu idiot peut-être. Sans lien nécessaire avec la lourde (donc professionnelle) imprimerie/ édition/ distribution, cela conduit à des voies successives, de plus en plus faciles à diffuser : recopie manuscrite, dactylographie avec papier-carbone, photocopie (page à page puis automatisée), mise sur Internet. C'est partiellement mon cas, vis à vis de ma famille.
F/ DEMANDER. Etre lu, c'est potentiellement pouvoir être enrichi par autrui, inventant une suite inattendue ou décelant une contradiction non perçue (par l'auteur). La voie livresque (sauf publicité et soutiens rarissimes) ne paraît pas préférable à la voie Internet, pour un anonyme. C'est mon cas, pleinement.
G/ SAUVEGARDER. Si le domicile personnel de l'auteur brûle, ses écrits éventuellement merveilleux partiront en fumée, seront perdus à jamais (sauf réécriture difficile, à résultat peut-être moins plaisant). Les idées connaissent ainsi deux niveaux de préservation : mise par écrit, puis sauvegarde de ces écrits. S'ils ont été transcrits en livre diffusé, ou mis sur Internet, cela ne sera pas perdu, mais sauvé. C'est devenu ma principale motivation.
H/ CONVAINCRE ou PLAIRE ?? Si l'on a la prétention d'avoir créé quelque chose devant clairement plaire à autrui (ou à certains parmi autrui), cela conduisait autrefois à rechercher un éditeur distribué en librairie et reconnu par les médias. Maintenant, une autre voie est la mise sur Internet en escomptant être découvert et lu grâce aux moteurs de recherche ou forums ou liens. Ce n'est pas mon cas. Je ne cherche aucunement à écrire ce qu'autrui veut lire, mais à dire ce que je veux dire, tant pis si ça choque les intolérants.
I/ VENDRE ?? C'est un projet spécifique à la voie éditoriale, escomptant équilibre financier voire retour sur investissement, ou même enrichissement conséquent. Cela passe par le circuit classique des libraires ou par le nouveau moyen des ventes sur Internet. Ce n'est pas mon cas. Selon mes valeurs (anormales), seul le travail désagréable mérite rétribution, compensation.
* Qu'est-ce que "bien écrire" ? (réserve)
J/ CORRECTIONS. Un écrit solitaire, même diffusé, n'est généralement pas un débat, du tac au tac, il s'agit souvent d'un développement trouvant son plein sens une fois la lecture achevée. Or des objections intéressantes peuvent être alors énoncées, et justifier (pour les auteurs qui seraient à la fois honnêtes et humbles) des précisions, corrections, en ajouts ou annexes. La démarche éditoriale réserve cet enrichissement aux rares rééditions, mais avec la voie d'ouvrage librement lisible sur Internet, c'est infiniment plus simple, rapide, et c'est quasi gratuit – tant pour le lecteur que pour l'auteur (l'abonnement minimum à Internet est peut-être payant, mais à un prix négligeable pour la grande majorité des Occidentaux, valant un gâteau ou litre de vin ordinaire).
K/ CHOC. Je suis blessé par les propos insultants de J.M.Truchet sur l'indispensable "écriture correcte". A mon sens, la qualité d'un écrit se limite exclusivement à la pertinence des idées ou la beauté des histoires. Cela est traduisible dans toutes les langues, et le reste n'est qu'artifices parasites, me déplaisant fortement. Bannir la langue orale en imposant le respect d'archaïsmes spécifiques à l'écrit me paraît relever de l'intolérance pure : exiger de remplacer le passé composé par le passé simple, les interrogations avec "est-ce-que" par des tournures inversées, les "on" par "nous", les "ça" par "cela", les simplifications phonétiques par l'orthographe étymologique officielle, exiger le subjonctif, interdire la ponctuation avant des conjonctions de coordination, etc… c'est approuver fanatiquement une tradition dogmatique dont je trouve le pouvoir de conviction et l'intérêt très exactement nuls, la prétendue beauté : exécrable. Comme pour la messe en latin, j'admets parfaitement que ceux qui veulent jouer avec ces vieilleries vénérées s'amusent comme ils veulent, mais quand ils frappent d'exclusion (du monde écrit), crachent sur autrui, je trouve que ce ne sont pas leurs victimes qui méritent des crachats mais eux-mêmes. Le sentiment de supériorité des fiers littéraires me paraît totalement usurpé, relevant du snobisme et du "talent" d'autistes capables de réciter l'annuaire. De Grands Esprits domineraient sans artifice ni protocole, en étant traduisibles dans n'importe quel français vulgaire, les "lettrés" ne font que dominer l'endoctrinement officiel via l'école, l'autorité se prétendant juste et seule détentrice du Bien, exigeant le suivisme et punissant l'invention. J'y vois un lavage de cerveau totalitaire – à mon avis, la pensée estimable et la beauté sont totalement ailleurs.
L/ IMPASSE ? Certes, au sortir de 10 ou 20 ans de matraquage éducatif, nous sommes conditionnés, et la pensée s'exprime spontanément dans la langue apprise, s'écrit de même, se lit facilement de même – une langue préférable serait aussi difficile à assimiler qu'une langue étrangère (et un million de fois plus difficile à maîtriser qu'une nouvelle monnaie). De même, si l'on envisage une diffusion, il ne faut pas se baser sur des conventions d'écriture personnelles mais sur des conventions partagées. Mais une réforme serait théoriquement envisageable, pour apprendre autrement, Jules Ferry aurait mon respect s'il l'avait faite à la Russe avant de décréter l'école pour tous. En tout cas, au lieu de m'imposer le calvaire de difficultés inutiles et condamnations injustes, purement sur la forme (arbitrairement imposée), les générations antérieures m'auraient fait un vrai cadeau si elles avaient fait l'effort de changer de langue. J'ai failli ne pas le percevoir, en me laissant "acheter", aveugler. J'étais chaleureusement félicité comme le meilleur de ma classe en orthographe, avec le recul je considère aujourd'hui l'orthographe française comme une criminelle stupidité (ayant complètement "cassé" une amie logicienne, tellement plus géniale que l'obéissant petit soldat, classé "bon", que j'étais). J'ai été présenté au Concours Général de Français, je considère aujourd'hui le Français comme une langue de merde et regrette de ne pas avoir été éduqué dans une langue (l'Espéranto?) cumulant les avantages aperçus en découvrant les langues étrangères (orthographe phonétique, pas d'exceptions, pas de conjugaison, pas de genre, pas de déclinaison, pas d'homonymie, pas de double-sens, etc.). Ici, de très très fiers moutons sans idées triomphent en étouffant des analystes pertinents, créateurs plaisants, c'est intellectuellement scandaleux, c'est cela la tradition sacralisée. En matière littéraire comme religieuse, philosophique, scientiste, etc. Je suis peut-être complice, en écrivant dans cette langue, je plaide coupable. J'ai honte de parler Français, d'écrire Français, d'être de nationalité Française, honte d'être un peu héritier – je suis soigné contre cela, chimiquement par des cachets débilitants, mais nullement convaincu, je ne vois pas l'ombre d'un argument honnête en vue. "La France, aime-la ou quitte la"? Pour aller où ? Ça ne semble pas mieux ailleurs. Est-ce mieux dans la tombe ? Dois-je réessayer de partir ? Bravo et merci à ceux qui me poussent là (en déclamant la générosité à partager le délice des Belles Lettres)…

QUESTIONS DIVERSES
M/ LE VOLUME DE L'OUVRAGE. C'est toujours un compromis imparfait, entre une lecture "plaisante car rapide" et une lecture "plaisante car détaillée".
N/ LES ILLUSTRATIONS. Le crédit sur les illustrations reste un mystère pour moi en terme de justice – au sens moral, pas juridique. Un auteur peut copier des plans chez un industriel, gratuitement, avant d'interdire formellement (menace policière à l'appui) qu'on le copie lui, ou qu'un acheteur présente un scan de ses pages-papier sur Internet en libre accès public. De même pour le droit à l'image naturelle : tel photographe ou peintre (même non professionnel) peut éventuellement se voir réclamer des droits financiers par la mairie d'une plage ou rue dont est fixé le souvenir, etc. Pour les avocats jouissant de manipuler les textes de loi, c'est rémunérateur, pour moi c'est une forme d'escroquerie, d'égoïsme armé. Je préfère naïvement le partage, la mise à disposition sans propriété payante : selon moi, ce n'est pas un vol que de distribuer gratuitement une image qui se montrait. L'Eglise chrétienne le dirait peut-être si elle n'était pas professionnalisée, détournant la belle intuition du naïf crucifié. D'où viendrait l'argent si rien n'était payant ? Je répondrais : du service à autrui qui est pénible – travaux des champs, d'usine etc. (avant écriture le soir, prière le soir etc.). Je suis sur une autre planète, je sais. La loi républicaine n'est pas l'œuvre de naïfs utopistes mais des habiles manœuvriers organisant les injustices voulues par la majorité des gens, espérant seulement que ce soit à leur profit (sinon les frontières seraient abolies).
O/ LA PROTECTION INTELLECTUELLE DE L'ŒUVRE. Là encore, la loi consolide bien des fortunes par la puissance armée et le rapport de force, théoriquement très contestables. En mathématiques, les découvertes et inventions (comme mes inclinaisons pour perspective isométrique, mon NTP/VPN remplaçant le NPP/MPN en limite de dénombrement probabiliste) ne sont pas brevetables, déposables, et c'est très compréhensible, puisque tout était à disposition de chacun, le premier découvreur n'ayant aucune propriété, aucune supériorité sur un redécouvreur ultérieur, aucune légitimité de principe dans l'entrave à une utilisation par autrui. Au contraire, dans l'atroce chasse gardée se disant "Culture" ("Industrie du divertissement" avouent les Américains), tout devient rente financière et poursuites pénales. Les copies modifiées et créations inspirées d'autres sont là encore des jeux pour juristes, sanctionnés de manière imprévisible par l'autorité judiciaire. Le tableau est très moche.
P/ LES ASSURANCES, LA LÉGALITÉ PROFESSIONNELLE, RÉGIME FISCAL, OPTIONS COMPTABLES. Il s'agit de problèmes spécifiques à la voie éditoriale, court-circuités par la libre mise à disposition d'écrits personnels sur Internet. Certes, il est question de gendarmer Internet, en y appliquant les textes de loi proscrivant la liberté de penser (loi Fabius-Gayssot en France, bannissant scepticisme et bouddhisme indien), mais c'est simplement atroce pour les innocents diabolisés par amalgame avec interdiction de s'expliquer et étouffement médiatique unanime. Oui, l'expression est réservée aux auteurs soporifiques n'ayant rien de troublant à dire, c'est très cohérent. Que des sales types s'auto-congratulent et se vautrent dans le luxe, nul besoin de briguer leur place.

BILAN
    Me semblant préférable à l'auto-édition (ou l'édition à compte d'auteur), la mise à disposition libre sur Internet ouvre un nouveau monde, pour les auteurs amateurs. L'Univers des Livres pourra bien rester la propriété jalouse et incontestée de moutons pistonnés n'ayant rien à dire (avec plein soutien des autorités)… une fenêtre s'est ouverte, miraculeusement. C'est difficile car encombré, c'est précaire, peut-être temporaire. Hélas.
    En tout cas, plutôt que se chercher une place dans un système "Culturel" pourri et bétonné, j'aurais invité les auteurs humbles, médiocres ou géniaux, à chercher une voie en dehors.