Digestion tardive de rédaction « Poésie » imposée
par Chi Tektefou, 22/07/2018

dernier ajout

  Quand j’étais enfant, j’étais classé surdoué, tant en sciences qu’en lettres. Mais à 15 ans, je suis tombé amoureux de la dernière de la classe, insultée par les profs, et mon univers s’est inversé. Au lieu de viser un Prix Nobel ou Goncourt, avec ambition terrible, j’ai voulu servir humblement, devenir « balayeur de crottes de chien », ou mort, oui (la douce jeune fille en question m’ayant rejeté durement).
  Depuis, à titre de loisir (et malgré traitement aux antipsychotiques débilitants), j’ai invalidé la science expérimentale, par la logique, j’ai invalidé plusieurs théorèmes mathématiques célèbres, par le calcul pur, et je viens d’achever l’écriture de mon 44e livre, toujours impubliable, évidemment (voire illégal puni de prison, la liberté de pensée étant discrètement bannie de France, avec complicité totale de la fausse élite, prétendue « intellectuelle »). Mais je voudrais revenir sur un autre aspect du côté Lettres de l’endoctrinement scolaire : en 1979-80, âgé de 15-16 ans, j’ai été présenté au Concours Général de Français, signifiant que j’étais jugé le meilleur rédacteur argumenté/sensible du lycée. Hélas, le sujet de cette année-là était hyper-littéraire, et je n’ai pas brillé, remplissant laborieusement des pages et des pages, en 6 heures, comme c’était demandé. Durant les vacances suivantes, j’ai lu dans la presse la copie primée numéro 1, et l’ai trouvée affreuse : c’était un étalage d’érudition, sans aucune analyse logique mais en citant plein de célébrités littéraires à chaque phrase, avec des néologismes enthousiastes comme Mallarmésien ou Ronsardaise.
  Je ne postule plu’ du tout à ces concours ambitieux, mais je reprends ici le sujet posé à l’époque. « La poésie ce n’est que des mots, commentez ». J’avais péniblement fait un devoir classique en trois parties, délayant les idées (crois-je me souvenir) :
1/ Oui, ce ne sont que des mots, par principe, des codes (sans connaître la langue : c’est pas beau) ;
2/ Non, ce ne sont pas que des mots mais aussi des sonorités et des images ;
3/ Conclusion : peu importe, si c’est joli.

  Je vais reprendre le sujet très différemment aujourd’hui :
1/ La poésie est prétendue le 5e art (sur 6 classiques, 7 avec le cinéma), donc vise le beau, or je n’aime pas plein de choses prétendues artistiques, l’art objectivement beau est une imbécilité prétentieuse ;
2/ Les discours sur la sonorité sont nuls : puisque les poèmes en langue inconnue n’ont absolument aucun charme, ce n’est qu’en aval d’un dressage bestial de type carotte-et-bâton qu’émerge un intérêt pour la poésie, pas intrinsèquement belle, du tout.
3/ Conclusion : la poésie est d’un intérêt immensément surestimé.

  Je regarde aussi, aujourd’hui sur Internet, si la phrase du sujet est une citation célèbre : apparemment pas, mais le sujet est discuté par une élève de manière intéressante, à https://www.etudes-litteraires.com/forum/topic41604-la-poesie-ce-nest-que-des-mots.html . La rédactrice aborde la question comme :
1/ Les fonctions de la poésie (Exprimer amour, peur, mélancolie ; Dénoncer ou célébrer ; Révéler la réalité)
2/ Qu’est-ce que les mots ?
3/ Rapport entre mots et poésie (rigueur parnacienne, fantaisie surréaliste, jeux OuLiPo)
4/ Conclusion : la poésie c’est aussi du sens, et puis la musique et la peinture sont aussi de la poésie.

  Je ne suis pas d’accord du tout. Je reprendrais la question autrement :
1/ Nous sommes pris dans un système où certains manipulateurs de mots sont prétendus grandioses (sans nous demander notre avis) par les autorités scolaires/culturelles/politiques. Je suis rebelle à cette autorité : comme en musique ou cuisine, les goûts sont immensément divers, et il est injuste que certaines préférences soient glorifiées, professionnalisant les prétendus « artistes ».
2/ Pour la partie Dénoncer ou célébrer : par rapport à la rédaction argumentée au mieux (escompté), la poésie se base sur une économie de mots et des assonances ou rimes, ce n’est pas un critère de beauté mais un guide comme un autre, artificiel, convenu. C’est aussi une manœuvre douteuse : les dénonciations interdites sont clamées intouchables car c’est prétendu de l’art pas de la politique. C’est oublier l’art de propagande, l’art engagé, l’art publicitaire pour l’hyperconsommation inutile et pour le fric, etc. Le label « art » est alors clairement un alibi menteur.
3/ Certains poèmes me plaisent un peu par leur absurdité traduisible en toute langue (« la Terre est bleue comme une orange », « The Earth planet is blue like an orange fruit ») mais il s’agit plus d’une contradiction faisant sourire que de grandeur émotionnelle, et il s’agit plus d’une parodie de beauté littéraire (mieux que 2+2=5) que de beauté indéniable.
4/ Conclusion : je n’aime pas la poésie. Quelques mots d’Eluard m’ont plu, mais pas la majorité, et encore moins les autres auteurs. Les poètes professionnels me paraissent des escrocs pistonnés injustement, et les amateurs de poésie (sans musique) me paraissent des hypnotisés auto-satisfaits cherchant à se placer au-dessus de la normale, voire à se dispenser du travail de peine (réservé aux courageux immigrés, bien plus méritoires qu’eux selon moi – ou délocalisé en pays de semi-esclaves méprisés, jugés à tort inférieurs en respectabilité). Même si je n’aime pas « les littéraires », j’écris des nouvelles romantiques qui me plaisent, m’émeuvent, mais : après le travail utile pour autrui. C’est un petit loisir anodin, pas une grandeur du tout.

  Avant de clore ce sujet « poésie », je voudrais dire un mot d’une phrase que je trouve majeure, de Jean Ferrat : « le poète a toujours raison ! ». Je ne suis absolument pas d’accord.
1/ Si le prétendu poète dit le contraire d’un quidam, cela donne-t-il automatiquement tort au quidam ? C’est un abus de pouvoir, abus de position dominante, privilégiée par des dominants idiots.
2/ Ce qu’il y a, dans notre société prétendue libertaire, c’est que le poète est exempté des devoirs imposés théoriquement à tous. Ce n’est pas que le poète a raison, c’est que les autorités annoncent ne pas le poursuivre pour ses erreurs éventuelles, sa dissidence à la Soljenitsine.
3/ En pratique, c’est faux, mensonger : les auteurs rap disant « fuck la police » ou « je chie sur la république », les auteurs arabes qui disent "maudits soient les juifs » ou « Hitler mon amour », sont poursuivis par la loi française, en balayant leur prétention à ce que ce soit de l’art intouchable. Dans le même temps, l’adoration envers Jésus-Christ est fiscalement encouragée, même si ce monstre a dit « il faudrait tuer les parents éloignant leurs enfants de Dieu » et « les non-Juifs sont des chiens ». Donc la tolérance dirigée injuste est une variante menteuse de la dictature des puissants, tolérant certes le poète-endormeur allié au pouvoir.
  Ma conclusion : les littéraires, poètes et autres, se prétendant grandioses sont des escrocs.

----- (Ajout 25/09/2021) Semi-objection majeure : poésie amateur
   Je disais grand mal ci-dessus des poètes professionnels, et je me donne encore raison à ce sujet trois ans plus tard. Je me souviens d’ailleurs que le seul poète que j’appréciais un peu, Paul Eluard, est célèbre pour avoir écrit « je ne voudrais pas être travailleur, sauf en URSS », bouffant idiotement la propagande soviétique sans une once de lucidité critique (oppression des contestations, misère économique des gens presque tous en grève larvée, etc.). Toutefois, à l’adolescence, j’ai écrit moi-même des poèmes. Oh, pas du tout pour devenir poète de métier claironnant ma grandeur sublime (prétendue), non, à titre ultra-personnel pour mon journal intime. Quand on est en phase amoureuse romantique, aigue, mettre ensemble des mots (au sujet de l’être aimé, des sentiments intenses ressentis) qu’on trouve jolis est plaisant. Je dis « on », mais c’est « moi », égocentrique personnel, quoique cela puisse concerner chaque personne (le moi de chacun). Le contentement n’est que personnel, privé, ça n’a aucun rapport avec la prétendue objectivité du beau, faisant « art ». C’est un simple loisir. Comme un retraité peut être content des légumes de son jardin sans se prétendre agriculteur méritant rétribution financière pour cela. Cette phase avec poèmes s’est éteinte quand la fille m’ayant brisé le cœur m’a achevé, refusant à jamais de me revoir, même comme simple camarade. Mort-vivant ensuite, plus de 20 ans, je n’ai plu’ agencé les mots ainsi, n’écrivant que des nouvelles romantiques tristes, sans jouer sur les sonorités (quoique je n’ai jamais pratiqué l’emploi de rimes, préférant la prose).
   Vers l’âge de 30 ans, je recevais le journal trimestriel des anciens de l’institut universitaire m’ayant diplômé, et dans chaque numéro il y avait un poème d’une même ancienne élève (professionnellement technicienne biologiste). Les mots n’étaient pas plaisants à mon goût, mais c’était un exercice ludique compréhensible, jonglant avec les rimes et nombres de pieds. Ça n’appelait pas applaudissement mais jugement du genre : « exercice divertissant, elle a encore réussi, d’accord, ça change les idées ces mots allant un peu n’importe où sans sujet précis. »
   Après l’âge de 38 ans, marié sauvé, je ne me suis pas remis aux poèmes mais une des nouvelles que j’ai écrites concerne un jeune homme répondant à son amie (secrètement aimée par lui, méprisée par les autres gens) quel est le principe de la poésie, en quoi ça peut être joli, pour soi-même, ce qu’on écrit. C’est le cours que j’aurais rêvé de recevoir dans ma scolarité, c’est sensible et argumenté, convaincant peut-être. C’est la nouvelle « Embauché comme son professeur à elle » pages 127-133 du recueil « Ma copine tortue, tome 13 » (http://www.kristofmeunier.fr/MCT_Tom13.pdf) de 2011 {ajout 21/06/2023, maintenant disponible en lien direct : http://www.kristofmeunier.fr/MCT_Tom13-ext-Poez.pdf ).
   Bref, la poésie peut être plaisante, d’accord, mais les poètes professionnels me semblent abuser, peu mériter.

----- (Ajout 14/03/2022) Ronsard revu et démoli
   J’ai écrit à une amie ex-collègue nouvellement retraitée, m’ayant la semaine passée offert de délicieux gâteaux « roses des sables » (corn flakes au chocolat) en parlant de fragilité des roses. Je lui ai dit :
   Sans parler de mort des roses, leur perte d’éclat me rappelle un poème de Ronsard qu’on avait vu pour le Bac de Français (l’an dernier ? en 1980…) « mignonne allons voir si la rose (…) une telle fleur ne dure que du matin jusqu’au soir (…) », un prétendu poète disant à celle qu’il voulait « donne-moi tes 20 ans et ta beauté, avant de devenir vieille et moche genre 40 ans comme une fleur fanée » (lui ayant 45 ou 60 ans mais mâle)… C’était pas joli pas romantique comme sentiment, je trouve (au lieu de parler de vieillir gentiment et fidèlement auprès de). Mais ça s’appelait poésie (prétentieuse, je trouve).
   Oui, je ne vois pas du tout en quoi les rimes et les nombres de pieds apporteraient de la beauté artistique quand les sentiments exprimés sont vils… C’est la classique querelle entre la forme et le fond. Je préfère une prose exprimant de jolies choses à un impeccable sonnet en alexandrins à rimes riches embrassées exprimant une pensée sale. Ce n’est pas inversement qu’une moche prose vaut mieux qu’un beau poème classique, c’est que la beauté n’a rien à voir avec la forme à mon avis. Un bon gâteau n’a rien à voir avec la beauté de l’emballage. Ces roses des sables sous plastique blanc d’emballage bon-marché des courses étaient infiniment meilleures que celles que j’aurai pu faire (moi ne maitrisant pas la température de végétaline et ratant chaque fois) même dans un cartonnage icosaédrique parsemé de photos couleurs splendides. Non à la mensongère beauté d'emballage. Elève Ronsard : note zéro sur 20 ; et Maître Ronsard : moins que zéro, négatif nullissime. Même si, à titre de jeu facultatif, certains passionnés peuvent adorer jongler avec les formes d'emballage, bof, mouais, libre à eux mais à ne pas imposer aux enfants et ados scolairement, avec punition des récalcitrants, oh non...

----- (Ajout 06/10/2022) Pub de rap vu d’ailleurs sociologiquementi
   J’ai vu une publicité qui me navre. Un adulte "bien" habillé (pour les gens classant les autres selon ce critère), à l’étonnement de son entourage, répète une chanson de rap en se trémoussant un peu. Et puis il s’avère qu’il est professeur de Français, demandant à ses élèves « Pouvez-vous me citer une figure de style dans ce morceau ? », avec immense succès, tous les élèves levant la main pour répondre. Et la conclusion l’approuve pleinement.
   Cela signifie implicitement que :
1/ Cette musique est plaisante objectivement, si on sait l’écouter ;
2/ Le fait d’employer des figures de style garantit la beauté.
   Je ne suis absolument pas d’accord, et c’est comme avec la poésie à mon avis :
1’/ Libre à chacun d’aimer ou pas un truc prétendu artistique, l’affirmer « forcément bien » me parait abusif.
2’/ La recette telle ou telle est un moyen de composer pour les gens n’ayant rien à dire, mais ça ne garantit absolument aucune beauté, il y a simplement que les gens adorant ce genre de recette jouissent à les reconnaitre employées, et s’estiment en cela supérieurs au bas peuple « de mauvais goût », je trouve ça puant de suffisance, injustifiée.
   J’ai retrouvé sur Internet cette pub : « Écouter ça change tout - Spotify 2022 » (à https://www.youtube.com/watch?v=ANknCWAOQK4 ).
   J’en ai parlé quelque part dans un de mes écrits : si on va en Amazonie et que le chef de tribu hurle « babo bou bib ! », c’est une assonance comme « quels sont ces serpents qui sifflent », et ça n’a rien de beau en soi, rien. Peut-être que « les gens voulant parler sans rien avoir à dire » utilisent telle ou telle recette pour dire des mots, OK bof, s’ils veulent, mais je ne suis pas du tout d’accord qu’ils prétendent détenir la beauté objective, insultant autrui. Pour délit d’opinion, prétendue « faute de goût ».