« Jamais souffert, jeune homme ! » ? Non, c’est faux, monsieur…
Par Viktimmdainj Hustisse, 25/08/2022


Contexte
   Un des principaux tournants de ma vie s’est passé en Septembre 1979 dans la salle des professeurs du collège que j’avais quitté quinze mois plus tôt, mon prof de maths adoré me donnant une « leçon de vie » qui allait à la fois me sauver la vie, en un sens, et détruire ma vie, en un autre sens.
   Jusqu’à cette entrevue, mon projet professionnel était de devenir ingénieur en dessin aéronautique, et c’était une vraie vocation en moi : aujourd’hui 43 ans plus tard, et devenu professionnellement technicien biologiste-biochimiste ce qui n’a absolument rien à voir, mon principal loisir consiste à dessiner des avions qui n’existent pas. Pour rien, pour mettre sur Internet gratuitement, intéressant peu de gens, quoiqu’avec des milliers de visites, mais condamné par la presse, classant ces inventions en non-Réel, fake, Mal, pas encore interdit mais ça ne saurait tarder.
   Septembre 1979 donc, quelle était la situation ? J’avais tenté de me suicider en Juillet, et – sauvé contre mon gré – je m’apprêtais à recommencer cette auto-euthanasie sentimentale, puisque Sylvie avait cassé mon cœur à jamais (croyais-je, par erreur, au lieu de penser juste : « pour les 20 et quelques années suivantes »). Or Monsieur L. qui avait connu de manière très proche Sylvie, voulait me parler. Il m’a expliqué qu’elle avait elle-même essayé de se tuer un an plus tôt, non pas en sautant d’une falaise dans la montagne, elle, mais en avalant trois cachets au lieu d’un et appelant au secours ensuite comme empoisonnée mourante selon elle. Hum. Et il m’a dit qu’elle admirait les médecins, que mon seul espoir de reconquérir son cœur était de devenir un grand médecin. Je me suis donc dirigé vers cette voie en abandonnant tout projet d’ingéniorat aéronautique (trois ans plus tard, acceptant enfin de me revoir, elle m’a finalement dit qu’on ne se reverrait plu’ jamais, que je sois médecin ou non, et j’ai donc abandonné ces études (imbéciles de par-cœur puissance mille), voulu être mort ou balayeur de crottes de chien, ce que mon père a réussi à détourner vers un poste de technicien exécutant dans le monde paramédical, des laboratoires. Entretemps, on m’a dit que se tuer pour celle qu’on aime est atroce de méchanceté, pour lui mettre ma mort sur la conscience, tout le contraire d’un geste d’amour. J’étais donc piégé dans cette vie de merde, où j’attendais de crever sans me tuer officiellement. Hélas il n’y a pas eu « mort par glissement » (dont j’ai appris qu’elle touche les gens plu’ intéressés par la vie) et 19 ans pluss tard, je ressautais, du 4e étage, avant deux ans d’hospitalisation. Et avec 28 pilules à avaler par jour, le cerveau liquéfié, je me suis marié. Et j’ai été sauvé par mon épouse. Nous venons de fêter nos 20 ans de mariage.
   Mais je reviens sur une phrase de ce Monsieur L. lors de cette discussion capitale de 1979. M’ayant classé surdoué en mathématiques 2 ans plus tôt, il diagnostiquait que ma souffrance extrême, en étant rejeté par Sylvie, venait du fait que c’était la première grande contrariété de ma vie. Je n’avais jamais souffert, selon lui, alors être refusé/rejeté par celle que j’aimais me paraissait insupportable, au point d’en mourir, à tort selon lui et selon tout le monde ayant connu les petites difficultés de la vie, disait-il. Moi privilégié, je tombais de mon trône là, ce qui amplifiait démesurément une petite contrariété habituelle dans la vie normale (« se prendre un vent » est peut-être l’expression consacrée, puisque je lui ai confirmé ne pas avoir couché avec Sylvie – elle avait semblé amoureuse de moi mais nous n’étions pas allés jusque-là, à l’âge de 15 ans – elle 16 déjà mais je ne le savais pas). Et, moi qui avais le cerveau embrumé par les médicaments psy à haute dose, je n’ai pas répondu. J’aurais dû dire que son diagnostic était totalement erroné.

Trauma 1 ; la torture alimentaire
   Durant toute mon enfance, j’ai eu « peur des repas », qui transformaient les adultes gentils en monstres persécuteurs. Pour une raison indéterminée, j’ai une horreur absolue des aliments affinés (fromage non frais, vin, saucisson, olives, raisins secs, etc.) ainsi que de certains fruits et légumes (banane, tomate, et jaquier que je ne connaissais pas à l’époque). Il doit y avoir là une molécule que mon corps ne supporte pas, et pour moi, ces prétendus aliments ne sont pas comestibles… mais comme du caca immangeable. D’ailleurs le processus d’affinage est exactement cela : accumuler du caca microbien donnant du « goût » pour ceux qui aiment ça.
   Quand j’étais très jeune, et menacé de mourir d’inanition car ne mangeant presque rien, mes parents ont envisagé avec les médecins un blocage du pylore, porte d’entrée stomacale, mais ça ne s’est pas confirmé. Il y a eu aussi l’hypothèse psychologue comme quoi je cherchais à punir mes parents nous ayant comme abandonnés une semaine quand j’avais un an, mes troubles alimentaires étant apparus à leur retour de voyage, nous retrouvant. Mais finalement c’était assimilé « psychologiquement » à des caprices d’enfant gâté, et mon père a fait acte d’autorité, me punissant de coups de ceinturon (1 fois) si je n’obéissais pas à l’ordre de manger du fromage – pour moi immonde, atroce. Mais, héroïquement selon moi, j’ai résisté à la douleur, aux coups, et si on m’avait mis un revolver contre la tempe, en hurlant « manger le fromage ou mourir ! le choix est simple ! », je serais mort en héros, contre les bourreaux au sommet de l’injustice en bande organisée, je voyais les choses ainsi. Genre Gestapo domestique.
   Alors quand on m’a dit que je n’avais jamais souffert de toute mon enfance, j’aurais dû rétorquer : « ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas, vous vous trompez, presque complètement ».
   Pour détailler plus finement, mon problème avec les repas ne se limitait pas exclusivement aux éléments précités, mais à presque tout. Dans mon esprit, il y avait, au plan dit alimentaire, d’un côté « ce que j’aime » (adore) : crêpes au sucre, gâteau au yaourt, bouillie lactée biscuitée Cérélac, Danette Petit Beurre, etc. de l’autre côté « ce que je n’aime pas » (n’adore pas) : tout le reste. Or cela constituait une erreur de classement, j’en ai pris conscience une fois parti à 18 ans du domicile familial. Il y a en fait ce que j’adore, ce que je déteste totalement, et au milieu une masse de trucs moyens, pas adorés ni détestés, que je refusais durant mon enfance et jeune adolescence, que j’acceptais au Restau U ensuite, loin des conflits crispés avec les diktats parentaux. De même, maintenant que je suis marié et père, je me comporte différemment de mon fils (de 13 ans) ; quand quelque chose préparé par mon épouse est un peu raté mais pas horrible, mon fils refuse alors que moi j’accepte et mange, pour que ma femme ne soit pas malheureuse. Je n’étais pas inapte au sauvetage alimentaire, mais les prétendus spécialistes s’y sont très mal pris, ont fait n’importe quoi (avec leurs diplômes comme volés, du moins en connaissance lucide même s’ils ont brillé en récitation stupide).

Trauma 2 : la persécution « fraternelle »
   En classe de 6e, lors d’un devoir de rédaction libre à sujet « faites le portrait de quelqu’un », j’avais rendu un réquisitoire intitulé « je hais mon frère ». C’était totalement sincère, soigneusement argumenté, et j’ai eu une très bonne note, quoique la professeure ait été déroutée par ce cas immensément inhabituel. Et, effectivement, je n’ai jamais compris pourquoi, dans la devise nationale française, le mot ‘’fraternité » désigne quelque chose d’appréciable voire magnifique, pour moi la relation entre frères constitue un conflit affreux.
   Jusque 6-7 ans après cette rédaction, mon frère (âgé de 3 ans de plus que moi, enfin 2 ans 11 mois et 6 jours = 3 ans – zéro mois – 25 jours) ne m’appelait pas par mon prénom mais « chien galleux » (et « chienne galleuse » pour notre petite sœur, à 9 ans de moins que moi). Durant toute mon enfance, il adorait me faire pleurer, m’être désagréable en m’imposant ce que je n’aimais pas (chantant les chansons que je détestais, m’accusant d’avoir ridiculement telle petite amie malgré mes dénégations, etc.), en clair « m’emmerder au maximum » – comme dit le caractériel président Macron avec les non-vaccinés covid19 dont mon épouse et mon fils (et moi si je n’avais été sous chimio). Si je pleurais, c’était une victoire pour lui. S’il faisait une bêtise et que nous recevions tous les deux une fessée au nom du « pas de détail » paternel (ne voulant pas entrer dans une enquête pour savoir qui avait fait quoi), mon frère jubilait car ma punition injuste valait triomphe pour lui, le consolant de la fessée et même mieux, couronnant de succès son entreprise. Depuis la très petite enfance, mes parents avaient noté une différence totale de vécu des fessées (moyen d’éducation numéro 1 à cette époque) entre les deux frères. Enfin, ce n’était pas une torture montant terriblement haut en termes de douleur, plutôt un geste de principe désapprobateur, sanction : mon frère hurlait à affoler tout le voisinage croyant à égorgement ou pire, et puis hop, c’était immédiatement oublié pour passer à autre chose, alors que moi je pleurais doucement, mais inconsolable, ça durait des heures entières (et je me souviens, j’en concluais : « ils ne sont pas mes parents, puisqu’ils ne m’aiment pas, ainsi, c’est tellement injuste », d’où long chagrin inconsolable, ce qui était cassé n’étant pas réparable).
   En fait, mon frère était hyper jaloux, et n’acceptait pas que mes parents aient eu d’autres enfants que lui-même, il broyait donc les concurrents injustement là selon lui. Récemment, mon père a dit quelque chose, et ma mère l’a repris, apparemment comme quelque chose qu’ils avaient juré de ne jamais me révéler. Si j’ai bien compris : alors que j’étais nourrisson, j’avais disparu, et mes parents m’ont retrouvé dans la poubelle, où m’avait mis mon frère, âge de 3 ans, voulant (sans méchanceté cruelle) simplement m’éliminer comme indésirable, pas bien, à jeter…
   En tout cas, ces conflits quotidiens, ces heurts et ces pleurs avec sentiment d’injustice quasi permanent, ça démentait aussi que je n’avais jamais souffert d’aucune contrariété avant l’épisode Sylvie.

Trauma 3 : l’extrême nullité musicale
   J’aurais pu en rester là de ma démonstration de diagnostic professoral erroné, mais j’ai conscience d’un malentendu possible. On pourrait en effet me rétorquer : « oui en matière familiale, comme partout pour chacun, ce n’est pas le Paradis, mais en tout cas dans le monde scolaire, tu n’avais jamais vécu la moindre contrariété ! ». Euh, c’est vrai sur le plan intellectuel, j’étais considéré le meilleur en mathématiques, logique, rédaction française, sciences, analyse historico-géographique, langue anglaise, mais… pas partout, non. Notamment, en musique (où mon frère avait un don, quoique refusant d’apprendre le solfège), j’étais très mauvais. En 6e, notre classe n’avait pas de professeur de musique (comme actuellement, avec les manques de profs), mais en 5e, le prof de musique a diagnostiqué que j’étais un « handicapé musical ». Il y a les surdoués (à oreille absolue, côté musique), les normaux médiocres, et les nuls absolus, dans cette discipline comme dans d’autres, simplement j’étais là parmi les nuls. Oh, ce n’était pas grave, pas compté comme défaut majeur, et j’obtenais quand même les félicitations du conseil de classe systématiquement, mais non, ce n’était pas une réussite totale sans la moindre contrariété.
   Enfin, actuellement, il m’arrive d’écouter de la musique, par plaisir oui, vraiment, et j’adore certaines chansons, même si dans la France des années 1970 rien ne me plaisait (les années « Claude François/Dalida »). Je ne suis pas totalement allergique au musical, ce n’est pas ça. Je trouve indécent ce qui est dansant, mais plusieurs chansons douces m’émeuvent par leur sonorité jolie et triste. Mes préférées célèbres sont « Diego libre dans sa tête » (France Gall), « Losing my religion » (REM), « Hotel California » (Eagles). Mon chanteur préféré est le triste romantique Mickey Newbury (1940-2002) et j’aime bien le doux Don Williams (1939-2017), même si géopolitiquement je n’aime guère les Étasuniens, riches par recel de fortunes volées en massacrant les Amérindiens (ce qui est impuni à ce jour, et pourtant bien pire que ce que font les Russes en Ukraine 2022 et ce que menacent de faire les Chinois à Taïwan 2023), tandis que les USA sont hyper-sionistes pour punir des populations au nom de l’Histoire, mais surtout pas eux-mêmes (d’où l’attentat du World Trade Center et la guerre Occident/Islamisme actuelle, nous embrigadant sans droit de débattre et contester – sous menace d'accusation de racisme antisémite, prétendu faussement et racistement en cas d'insoumission au "racisme projuif" inavoué).

Trauma 4 : la grande déception en dessin
   A part mon franc échec scolaire en discipline Musique, je peux aussi signaler mon relatif échec en dessin. Enfin, j’ai eu 14/20 en option dessin au Bac, je n’étais pas nul en ce domaine, mais les profs me considéraient plutôt moyen alors que cela avait été la passion numéro 1 de ma jeune enfance, avant de m’intéresser aux avions. A l’école primaire, le « métier que je voudrais faire pluss tard » a toujours été « dessinateur de bandes dessinée » (comme Gotlib et Franquin). Mais le dessin à la sauce scolaire (en discipline obligatoire au collège/CES) m’a partiellement dégoûté du dessin, avec des sujets imposés me déplaisant fortement, et où je ne brillais pas. Certes, j’y suis revenu plus tard, non plu' en dessin au stylo-bille de mon enfance, mais en dessin au trait avec crayon gras 2B/6B, non avec personnages amusants mais avec images tristes poignantes, et actuellement je pratique le dessin vectoriel (d’avions) sur ordinateur, comme loisir principal. Mais mon parcours en dessin n’a pas été un succès retentissant de bout en bout, non, j’ai connu une lourde contrariété en abandonnant cette voie dont j’avais envisagé de faire ma profession passionnée. Mais OK, ce n’était pas un écrasement me déclarant nul infâme, façon musicale.
   A la réflexion, avec le recul, je ne donne pas complètement tort aux professeurs de collège en dessin : j’étais brillant en recopie de dessins humoristiques, mais pas génial inventif, non pas du tout. Et plus tard, j’ai infiniment regretté d’être incapable de dessiner réalistement le visage de l’aimée : Sylvie (ou Sylwja en Polonais de ses ancêtres ?) ; encore plus tard j’ai été un peu malheureux de ne pas parvenir à dessiner le visage de sa sosie imaginaire Patrycja. Non je n’étais pas surdoué hyper facile dans ce domaine du dessin, effectivement, moins performant qu’en Maths où j’ai prouvé faux des théorèmes célèbres et formules employées par toute l’industrie, et j’ai apporté la correction (refusée au nom de l’autorité professorale…). Le dessin, c’était pour moi un amusement de gosse, mais un jour ou l’autre, le malentendu devait être cassé. En tout cas, cette contrariété était intervenue au collège, bien avant le lycée de 1979.

Bilan
   Je ne me plains pas en pleurnichant que j’ai eu la plus pénible enfance du monde, non, mais il est faux qu’on m’ait dit à 15 ans que je n’avais jamais connu la moindre contrariété, alors que j’étais polytraumatisé, en un sens, comme les gens moins brillants scolairement.