Non, le chômage ne tue pas ! peut-être
Par É.Reurre, 28/05/2016

    Un ami m’a dit que « le chômage tue en France vingt mille personnes par an », et cela m’a semblé très douteux, voire fautif. Enfin, le « vrai » chiffre (vraiment cité, même si c’est peut-être à tort) semble quatorze mille personnes par an selon Internet, ou entre dix mille et vingt mille, dans une étude parue cette année de l’institut français pour la santé et la recherche médicale (Inserm, http://www.lepoint.fr/emploi/le-chomage-tue-14-000-francais-par-an-04-02-2015-1902276_30.php , http://russeurope.hypotheses.org/3686 ). Mais le problème me semble ailleurs.

1/ « Tuer = assassiner » ?
    Hurler que « le chômage tue » impliquerait qu’un employeur licenciant un employé devrait être poursuivi pour tentative de meurtre (il n'y aurait plu' aucun emploi nouveau, le risque de devoir débaucher devenant plus que gravissime pour l'employeur). Et cela semble gravement faux : il n’y a pas du tout mise à mort certaine, mais un simple petit différentiel entre les statistiques de décès pour les actifs et les chômeurs. De même, si vous êtes muté d'une région où la mortalité est de 0,01% à une autre se situant à 0,02%, est-il légitime de porter plainte pour tentative d'assassinat ? Je ne crois pas, non, pas du tout.
    Certes, la parole publique dit pareillement que « le tabac tue », alors que plein de fumeurs ne meurent pas du tout, que plein de non-fumeurs (et non-enfumés) ont le cancer du poumon réputé « cancer du fumeur », c’est une façon de parler exagératrice, pour alarmer avec davantage de force que n’en mériterait l’exposé brut. J’appelle cela un mensonge.
    Dans le même genre : même si je ne bois pas d’alcool, j’ai entendu clamer que « l’alcool au volant tue », or boire un verre ou dix avant de conduire ne garantit en rien qu’il y aura mort sur la route. Ce qui se passe est que la rapidité de réflexe est ralentie, et nombre d’alertes bénignes (possibles) deviennent sources d’accident (éventuel) dans ces conditions. On dit que le risque est accru.
    Mais ce n’est en rien une mise à mort, à la façon de l’enfant assassiné près de chez moi par des dizaines de coups de couteau. Choisir des mots exagérés peut être un effet de style dans un poème (« le bateau ivre » etc.), mais dans un cri d’alarme, ça ruine toute crédibilité.
    Ce principe est illustré par ma conclusion évidente du mauvais film oscarisé « La liste de Schindler » : les juifs morts prétendument assassinés en 1940-45 par les nazis n’ont nullement été passés à la mitrailleuse (à la différence des civils Palestiniens de Der Yassin ou Haïfa massacrés par les Israéliens en 1948, avec l’approbation de nos dirigeants sanctifiant cette « victoire » pour élire l’état d’Israël 1967) mais ont pu mourir de maladie en étant privés de leur luxe antérieur, de dénutrition en refusant la nourriture médiocre des camps, d’épuisement dans le travail d’esclave (conforme à leurs textes sacrés mais retourné contre eux-mêmes), de séquelle des punitions pour avoir refusé le travail. Affirmer une tuerie semble hélas courant, et mettre en doute la propagande est interdit, la lucidité sceptique est passible de prison, sous dictature (israélophile ici maintenant).

2/ Sous-groupe n’est pas tendance générale
    Quand j’étais jeune conducteur (pour aller travailler en usine à la campagne), j’étais terriblement surtaxé car les statistiques d’assurances avaient prétendument démontré que les jeunes conducteurs mâles célibataires sont coupables d’accidents fréquents et coûteux. C’est de la calomnie, de l’accusation mensongère de crime, au titre de la généralisation abusive (façon racisme). En effet, j’étais anormalement en dépression et je ne sortais pas en boîte alcoolisée, ne cherchais pas à impressionner des passagères par une conduite virilement osée, il se trouvait simplement que mon état civil ressemblait à celui des conducteurs-danseurs timbrés se plantant en masse tous les samedis soirs. La corrélation était liée à une proportion d’individus dans la classe, pas du tout à une tendance indéniable en chaque individu de la classe. Mais l’erreur (de sanction) était légale, entérinée par les services publics sans condamner pour discrimination, ou faute financièrement intéressée (c’est-à-dire « escroquerie »).
    Ce grave malentendu peut être le même pour le chômage : peut-être que la mortalité est élevée parmi les Sans Domicile Fixe, certains refusant asiles chauffés et soupe populaire comme ils refusent tout travail et toute assistance médicale (malgré la gratuite Couverture Médicale Universelle en France actuellement), et cela pourrait plomber les statistiques du groupe de « sans emploi » où les observateurs les ont classés.
    Toutefois, le mal est beaucoup plus profond : les sciences humaines dans leur ensemble, et une bonne part des sciences biomédicales, confondent corrélation et relation de cause à effet. Alors qu’une corrélation entre contexte A et résultat B signifie que B n’est pas totalement indépendant de A, ceci est lu à tort comme « A cause indéniablement B ». C’est mathématiquement faux, mais les incompétents en Maths règnent, presque certains de ne pas être critiqués, abrités qu’ils sont derrière des montagnes d’équations effrayantes (pour la plupart des gens, mais pas pour moi, matheux).

3/ Facteurs partiels
    Dans un accident, il peut y avoir de multiples causes : imprudence de l’enfant ayant traversé en se jetant sur la route sans regarder, excitation de l’enfant ayant bu café au lait et soda-cola, temps de réponse du conducteur ayant bu alcool et fumé cannabis, vitesse automobile excessive allongeant la distance de freinage, mauvaise signalisation de la zone piétonne, état défectueux du système de freinage. Peut-être que sans la conjonction de ces 8 éléments, l’enfant piéton ne serait pas mort, mais est-ce que cela implique que les 8 facteurs l’ont tous tué ? alors que s’il en avait manqué un seul, les 7 autres n’auraient pas suffi à provoquer accident ? ou la « tuerie » comme disent les fanatiques d’un combat contre tel ou tel facteur…
    En termes de corrélation lue causalité, chacun des facteurs serait compté comme étant le responsable, et ce n’est pas juste. Ce n’est pas rien non plu’, mais il faudrait juger avec mesure, au contraire de l’emphase verbale (et conceptuelle) ici pratiquée.
    Dans cet accident ayant fait un mort, les statistiques de causes compteraient au total 8 tués, facile d’alarmer avec cette méthode, erronée.
    Cela est clair dans la relation chômage-décès invoquant suicide : les causes sont très multiples le plus souvent, et rien ne garantit que la perte d’emploi soit le facteur déclenchant, plutôt qu’une autre anecdote personnelle, très critiquable et indispensable à l’enchaînement fatal.
    De même, les tués par le chômage ont pu être déjà comptabilisés comme tués par la pollution, par les matières grasses, le sucre, la surtension, la ville, etc.

4/ Tiers-facteur
    D’après les sources Internet, on nous explique qu’il y a davantage chez les chômeurs de surconsommation calorique et d’inactivité, donc de maladies cardio-vasculaires, etc. Je pense que c’est une erreur d’approche. Admettons qu’il y ait automatiquement 2% de morts spontanées parmi les inactifs et 1% parmi les actifs, toutes choses égales par ailleurs (âge, hygiène, antécédents médicaux, etc.). Alors faudrait-il affirmer que gagner au loto tue, que recevoir un gros héritage tue, que la retraite tue ? Mais non, c’est simplement qu’il y a davantage de morts parmi les inactifs. Pour faire la part des choses (sans « se tromper de colère »), il serait utile de mesurer le taux de décès de chômeurs sportifs, restant actifs en dépit de leur perte de travail – s’il est comparable à celui des actifs et non à celui des chômeurs non-sportifs, cela montrerait que ce n’est pas la perte d’emploi qui est le problème mais une éventuelle « paresse » refusant l’effort. Et peut-être que cette paresse est la cause du renvoi parfois, donc cette cause commune entrainerait à la fois le chômage et le décès, c’est une erreur d’analyse que d’affirmer qu’une conséquence est la vraie cause de l’autre conséquence. Et ladite « paresse » peut être un symptôme d’une maladie non diagnostiquée, alors évidemment, ces malades meurent et au milieu ils tendent à être renvoyés, ça n’a rigoureusement rien à voir avec la conclusion que le chômage tue (ils mourraient pareillement s’ils étaient fonctionnaires territoriaux surprotégés, avec congés-maladie à répétition sans renvoi).
    Concernant l’erreur d’approche, imaginons-nous à une place de Créateur, pour voir comment les créatures peuvent se tromper d’interprétation dans la lecture. Par exemple les scandinaves (descendant de l’aïeul X avec une mutation volontairement créée à titre d’épreuve) auraient une fragilité cardiaque innée abaissant de trente ans leur espérance de vie ; un chercheur mesurant les arrêts du cœur chez les blonds (dont 90% de scandinaves) et bruns (dont 10% de scandinaves) pourrait crier que les cheveux blonds tuent par arrêt du cœur, appelant à l’interdiction dorénavant aux brun(e)s de se faire teindre en blond(e) ! Mais non, c’est une erreur d’analyse, une faute logique, se trompant de cause (c’est le caractère « descendant de » qui était ici causal, pas la couleur des cheveux), blablater faussement sur une explication littéraire ne fait qu’égarer au contraire de « faire comprendre ».
    Une analyse correcte garantirait qu’ont été éliminés les tiers-facteurs : est-ce le facteur chômage qui est déterminant ou bien la perte de revenus (d’où misère relative), ou la perte de standing social/exemption de tâches ménagères (d’où crises et divorces et suicides ?), ou bien la persistance de revenus sans activité d’où surconsommation sans dépense physique ? Si c’est un peu tout ça, en un melting-pot dépendant des cas, le plus souvent sans aucun point clairement déclencheur de mort, on n’a nullement identifié un facteur causal mais un paramètre d’alerte, méritant d’être prévenu, d’un « risque ».

5/ Les intentions cachées
    La clameur « le chômage tue » n’est pas innocente, mais – dans un contexte « principe de précaution » (condamnation au bénéfice du doute) – ça semble un cri anti-libéral, réclamant de tendre vers l’autre possibilité qu’est le plein-emploi à la communiste). [Rappelons que le principe de précaution est le summum de la malhonnêteté intellectuelle, faisant interdire des choses suspectes comme OGM ou dite-malbouffe, tout en laissant en usage des facteurs mortels comme voiture de loisir, baignade, électricité, chauffage, alpinisme, etc. Le principe en est que les décideurs s’autorisent à interdire sans preuve, ou à négliger les preuves comme ils le souhaitent.]
    Autre interprétation envisageable : il pourrait s'agir d'un militantisme pour surprotéger les chômeurs, par séances sportives gratuites (et/ou obligatoires) payées par l’impôt, suivi psychologique assidu (créant des débouchés pour les fournées d’inutiles étudiants en psychologie), etc. Tout un business est peut-être en jeu, nullement désintéressé derrière la fausse clameur « pour sauver des vies ».

6/ Causalité inverse
    Autre exemple d’erreur : l’inversion de cause et conséquence. Imaginons le cancer Y, en rien causé par le tabac, mais dont la survenue cause un décuplement de l’appétence du tabac (soulageant), alors une corrélation naîtra entre fumeurs et cancéreux mais pas du tout parce que fumer rend cancéreux, c’est le contraire. Et c’est grave, car l’interdiction du tabac ne diminuera pas les taux de cancers Y, et rendra leur vécu plus terrible (sans la consolation du tabac). La corrélation ne prouve rien, attention !
    D’ailleurs, on pourrait dire que c’est un peu la situation dans l’hypothèse de la maladie causant fatigue d’où renvoi : la pré-mort a causé chômage, ce n’est pas le chômage qui a causé la mort.

7/ Fausse loi
    Affirmer que le « chômage tue » renvoie à l’idée que, sans le chômage, la vie aurait dû durer tant, comme une loi du monde (« pour tous ») qui serait indéniable. C’est là du scientisme pur et dur, avec une éthique égalitariste, et je ne suis pas convaincu de leur absolu bien-fondé.
    Je crois que c’est une approche protestante que d’affirmer en sens inverse que le Créateur a créé des gens bien, futurs riches vieillissant harmonieusement, et des gens moins bien, futurs pauvres et mourant jeunes. Je ne suis pas convaincu par cette inégalité de principe (basée sur l’Ancien Testament raciste selon lequel la race judaïque élue vaut mieux que les sales non-Juifs, comme l’a répété le raciste Jésus-Christ à la Cananéenne, dans le très officiel Evangile de Matthieu), mais j’entends cette idée comme un possible pas totalement absurde. Et, en matière de chômage, pourrait surgir une explication de ce genre : « parmi les virés au chômage, les "dynamiques" s’en sont sortis en se battant et/ou créant leur entreprise, donc ne restent au chômage que les crevures, qui crèvent évidemment, pas à cause du chômage mais parce que c’est leur nature ». Ce n’est pas du tout la pensée qui a ma préférence, mais c’est une autre lecture possible des mêmes chiffres, déniant totalement l’idée « le chômage tue ».

    Bref, même si on peut dire qu’il y a davantage de mortalité parmi les chômeurs que parmi les employés, cela ne prouve en rien que « le chômage tue ».