La cravate imposée, je n’aime pas ça
(et personne comme moi, apparemment)
par Médussa Lu, 22/07/2022

dernier ajout
La nouveauté
   La télévision l’autre jour (fin Juin ou début Juillet 2022) s’est offusquée que les députés NUPES (de gauche), nouvellement élus, soient venus délibérément « sans cravate » à l’Assemblée Nationale, comme une offense à la République, était-il dit par certains. Et les avis contraires étaient seulement « non, c’est de la provocation, c’est le jeu parlementaire traditionnel ». Sans aucun avis disant : « ils ont raison, il ne faudrait pas exiger que les hommes portent la cravate », ce qui est ma position, donc cachée dans les médias, apparemment.
   Les mots entendus étaient : tenue débraillée faisant sale et non proche du peuple, une question de dignité de la fonction, respect envers les électeurs, cérémonial à suivre impérativement, être présentable pour représenter le peuple sans l’insulter, tenue correcte exigée, convention sociale en forme d’uniforme démocratique, code admis par tous, se montrer présentable, ne pas insulter les institutions (même si ce n’était pas porté il y a 300 ans), ici maintenant on s’habille comme ça !

Autres éléments dont je me souviens
   Un de mes oncles, fonctionnaire directeur de services fiscaux, disait qu’il imposait à ses subordonnés au contact avec le public de porter la cravate, pour être comme il faut, pas choquant, inspirant le respect. Ça m’avait choqué, moi au contraire, ce principe commandeur, la légitimité d’une personne des impôts ne se jouant pas du tout là-dessus selon moi. Un bandit en cravate reste un bandit, un incompétent en cravate reste mauvais, une personne claire et gentille sans cravate ne me pose au contraire aucun problème (et les autres combinaisons sont possibles, ce n’est pas cravate = mal au lieu de = bien, c’est que cravate n’a aucun rapport avec mal ou bien).
   Je me souviens vaguement du mariage d’un cousin germain, auquel m’avaient emmené mes parents quand j’étais étudiant je crois (vers 1983 ?). J’étais resté dans la voiture de mes parents car une cravate était exigée et je n’étais pas d’accord (ou bien c’était pour la partie à l’église où les non-baptisés étaient tolérés quoique affirmés indésirables, ou les deux, je ne me souviens plu’ – il a divorcé ensuite, les respectabilités affichées se confirmant sans rapport avec le côté Bien).
   Dans mon premier emploi stable, mes compétences spéciales en chromatographie des antibiotiques ont conduit mon employeur à créer un stage pour des clients apprenants (vers 1988 ?), où je serais un des professeurs, et on m’a dit que porter une cravate était souhaité pour la partie en salle de cours sans blouse blanche de laboratoire. J’avais obéi à contrecœur, empruntant une cravate à mon père en ayant fièrement des dizaines et m’expliquant comment ça se noue. La porter ne m'a pas gêné, pas sali (puisque sous la contrainte contre ma volonté), mais en rien paru bénéfique.

Ma position, consolidée
  Arrivant proche de la retraite maintenant (et en invalidité ou cimetière d'ici-là) je peux faire le point avec l’expérience de l’âge.
  Je n’ai a priori rien contre le fait que quelqu’un choisisse de porter une cravate ou de se teindre les cheveux en vert, je souhaite simplement que la même tolérance vienne en retour ; autorisant pleinement le cou sans cravate et les cheveux non-teints. Si ce retour est fermement désapprouvé, je fronce les sourcils et proteste, en me sentant en position de légitime défense face à oppresseurs. Le relativisme n’est possible qu’avec réciprocité, face à dictature il s’éteint.
  Ce truc à moitié pas attaché et coloré ne me semble présenter aucun intérêt. Qu’il fasse partie de code peut plaire aux gens qui préfèrent l’apparence au fond mais ce n’est pas du tout mon cas. Et affirmer que seuls les hommes en cravate sont respectables me parait insulter les autres, totalement à tort.
  Quelque part, cette semi-exigence partielle crée deux groupes distincts, ceux qui résistent à cet arbitraire, et ceux qui l’approuvent. Ou « comment créer de l’hostilité » là où il n’y en avait pas. Du coup, quand je rencontre un homme avec cravate, je le vois avec hostilité, puisqu’il me semble afficher le jugement « en tant que porteur de cravate, je fais partie des gens bien, supérieur aux sans-cravates, méprisables ». Et quand, technicien biochimiste impliqué dans l’achat d’un cher nouveau chromatographe (en 1992-93 ?), je recevais successivement deux vendeurs concurrents en finale, l’un avec cravate et l’autre sans cravate, la marque du sans-cravate avait ma préférence spontanée, en première impression, à confirmer par performances et prix de la machine bien sûr. Mais celui qui s’affirmait de la caste des gens bien me semblait très suspect de cacher un mensonge commercial, un produit mauvais survendu seulement en apparence de respectabilité. Ça n’a pas changé la face du monde, et le problème reste inchangé trente ans après, mais je trouve triste que mon point de vue reste inexistant dans les médias prétendus pluralistes, ce qui semble totalement faux, encore une fois ;

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Ajout 27/07/2022 : Elément supplémentaire
  Une amie, lisant ce que j’ai écrit ci-dessus, rajoute un élément majeur que j’avais oublié ou n’avais même jamais perçu : elle dit que sa mère trouve que « c’est élégant, un homme en cravate ». Il y aurait donc là un élément supplémentaire « en faveur de » la cravate : son pouvoir de séduction (auprès de certaines femmes, ou des femmes en général, ou des femmes et des gays même, domaine dont j’ignore à peu près tout).
  Je regarde quand même la définition de « élégant » : « qui a de la grâce et de la simplicité » et « grâce » (en ce sens-là) : « disposition à être agréable à quelqu’un ». Qu’est-ce que ces femmes (d’autrefois ?) trouvaient d’agréable dans la cravate ? Je ne pense sincèrement pas qu’elles trouvent que c’est joli, sinon elles en porteraient elles-mêmes, ce qui est très rare je crois, mais ça me fait penser au vieil adage (peut-être périmé car très sexiste) « une femme séduit par son physique, un homme séduit par son statut social, son argent ». Peut-être que ce n’est plu’ dominant voire plu’ toléré, mais cela a pu servir de principe durant des décennies passées (et récemment pour les couples mixtes comme le mien : homme-d'occident/femme-du-Tiers-Monde). Et les femmes, femelles humaines bestialement, choisissaient des mâles dominants (équivalent des « mâles alfa » chez les loups et lions), ce qu’affiche en un sens la cravate, elles sont contentes de ce raccourci pour juger. La logique darwinienne derrière cela étant peut-être qu’elles escomptent avec cette hérédité dominante avoir des fils dominants donc choisis à leur tour, propageant les gènes de la grand-mère.
  Je n’affirme pas que c’est mal ou que c’est scandaleux, je trouve ça immensément regrettable, de préférer le fric au sentiment, préférer l’exploiteur au travailleur. Mais… entendu, c’est un argument énorme « en faveur de la cravate » pour ceux qui l’adorent : « cela contribue puissamment à séduire les femmes » (ou à s’affirmer super-viril). Je l’entends, oui, je n’efface pas ce côté, même si ça pourrait se faire au nom de la pudeur (ou une certaine forme de celle-ci). Merci en tout cas de m’avoir signalé cet ajout majeur, hélas majeur…

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Ajout 29/07/2022 : Rébellion semi-active
   J’ai entendu hier à la télévision un élément complémentaire au point initial : il est signalé que certains députés (du parti gouvernemental centriste je crois, ou de la droite, ou extrême-droite, tous ensemble sur ce sujet) ont officiellement réclamé (à la présidence de l’Assemblée Nationale) que la cravate soit exigée en clair, avec rappel en ce sens, et alors, ensuite… des députées femmes de la NUPES, dont Clémentine Autain (du parti LFI), sont venues avec une cravate, en signe de ridicule de la demande (puisqu’étant femmes elles n’étaient pas concernées par cette injonction autoritariste au nom d’une tradition masculine). C’est ce qui est dit, tout au moins, mais ma lecture est différente : exiger spécifiquement pour les hommes un habit obligatoire est un sexisme caractérisé, contraire total des prétentions à appliquer partout l’égalité hommes-femmes (prétentions du parti au pouvoir, premier à l’assemblée, dont fait partie la présidente de l’assemblée). Cela me semble mal pensé : cela fait chahut et micro-rébellion à l’assemblée, et puis le bruit va changer de sujet et ce sera oublié. Alors que ce devrait être le contraire : posément, partout et toujours, non seulement à l’assemblée mais dans tout domaine professionnel (les finances publiques de feu mon oncle, les services de vente de chromatographes et autres, les professeurs de formation continue, etc.), la requête de cravate spécifique aux hommes devrait être classée comme un acte coupable de sexisme au même titre qu’un prêche islamiste misogyne. Mais non, bla-bla, sans aucune recherche de cohérence, d’honnêteté intellectuelle.
   Plus généralement, les magasins de vêtements avec rayons séparés pour hommes et femmes devraient devenir illégaux, tout étant maintenant mixte. Des femmes portent des pantalons, des hommes (comme en Ecosse actuelle et France du 18e siècle) peuvent porter des jupes, etc. Pour slips et culottes, il pourrait y avoir des modèles différents, mais sans classement en rayons séparés, où ne savent pas trop aller les trans (et les accusations de transphobie sont maintenant classées intolérables). Les toilettes (WC) non-mixtes deviendraient illégales. Dans l’entreprise où je travaillais serait abolie la ligne du réglement intérieur interdisant pour les laboratoires aux hommes de venir travailler en short (qui est parait-il justifiée par le « fait » qu’un homme en short sous la blouse blanche laisse voir ses jambes poilues, lesquelles « font penser » qu’il est nu sous le blouse [?], ce qui est totalement indécent [pour les gens ayant l’esprit mal tourné salace ?]). Et le sport féminin de compétition, interdit aux hommes, devrait être interdit pour sexisme actif, etc. Non, il n’y a aucune espèce de cohérence, et que des incohérents (comme foncièrement stupides disant n’importe quoi) blâment et donnent des leçons (avec la cravate obligatoire, si et seulement si on est un homme), c’est insupportable à mon avis. Les dominants ont le pouvoir et ils en font n’importe quoi, certes. Mais avec zéro légitimité. Si la demande m’était faite maintenant par mon employeur de porter une cravate pour donner un cours technique, je refuserais, fermement, avec des tonnes d’arguments, et en menaçant de porter plainte (pour acte de sexisme actif autoritaire) devant la justice ordinaire si les supérieurs hiérarchiques me cherchent des noises à ce sujet. Certes, la justice dit n’importe quoi aussi, avec des lois souvent idiotes et contradictoires, mais je me rebellerais pour de bon, pas pour le spectacle un micro-moment comme à l’Assemblée.

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Ajout 31/07/2022 : Chaleur
   Un autre élément, dans les débats sur la cravate, a été rappelé hier : le gouvernement espagnol décommande le port de la cravate en été, car serrée autour du cou, elle augmente la sensation de chaleur, conduisant à maximiser le refroidissement par air conditionné, ce qui gaspille de l’énergie (et produit davantage de CO2 disent les écologistes obnubilés par cette question, et aussi consomme "coupablement" du gaz russe que veut boycotter notre gouvernement). C’est là un argument de plus « contre la cravate obligatoire », je vois ça ainsi. Non que je sois affolé par le catastrophisme écologiste ou applaudissant les mesures antirusses (anti-nous-mêmes) du gouvernement, mais je me contente de noter que presque tout est en défaveur de l’obligation de cravate, sauf une tradition sexiste et socialement méprisante, ce n’est pas joli.