Dictature typographique en microbiologie
Par Lucid A. Normal, 09/11/2017

  Dans mon travail, de technicien microbiologiste et biochimiste, je viens de rencontrer un problème imprévu. La dame qui dirige notre service nous a adressé un rappel à l’ordre, répétant que les noms de bactéries doivent être écrits sous la forme Genre espèce, ET en Italique car c’est du latin. J’ai répondu des objections, et elle a déclaré que la grande majorité des microbiologistes font ainsi et qu’elle ne voulait plu’ en parler.
  Déchiré, je passe une nuit blanche et, à mon habitude, je vais écrire un site Internet (d’intérêt général) purgeant la question dans mon esprit.

1- Erreur
  Mon premier élément de réponse a été qu’il est faux de prétendre que les noms Genre espèce s’écrivent toujours en italique, car en écriture manuscrite, il n’y a pas d’italique. Ce n’est donc qu’une convention typographique propre à certaines secrétaires, certains éditeurs, pas une requête absolue et systématique.

2- Dictature
  Je viens d’achever la lecture, à titre privé, du livre « Retour sur l’accord du participe passé, et autres bizarreries de la langue française », et un chapitre y est consacré à la dictature des typographes, refusant aux auteurs d’enfreindre leurs codes à eux. Loin d’être une évidence universelle, ces codes normatifs sont très décriés, ils l’ont été notamment par la célèbre George Sand. En ce qui me concerne, auteur amateur, je verrais mes textes massacrés s’ils passaient entre les mains de typographes ou « correcteurs ». En effet, j’ai inventé le remplacement des lourdes (affreuses ?) tournures « s’exclama-t-il », « rétorqua-t-elle », par un dialogue brut (façon Cinéma) signalant qui parle par une convention gentillette : l’entame du personnage dominé n’a pas de majuscule, même si les typographes claironnent qu’une phrase doit obligatoirement commencer par une majuscule. Je conteste la prétendue loi et j’ai inventé mieux, plus clair, c’est le contraire de l’obéissance servile, stupide, à des ayatollahs rigoristes.
  Certes, sous Staline, la majorité des gens est stalinienne, idem sous Hitler, Mao, mais la dictature existe aussi chez nous. Et ce n’est pas à la majorité des endoctrinés intoxiqués, dirigés (avec bâton et carotte) comme approbateurs (du prétendu bien et du prétendu mal), qu’il incombe de juger si ce lavage de cerveau est bon ou néfaste. Si nous ne sommes plu’ en monarchie esclavagiste, c’est parce que la petite voix de dissidents a finalement fait émerger quelque chose de mieux. Les moutons foncent « parce que c’est ce que fait la majorité », jusqu’à se jeter de la falaise avec le troupeau… au contraire, l’intelligence humaine est fondée sur « oser le doute », envisager une amélioration.

3- Fausse science
  C’est aussi une évidence en matière d’épistémologie : la science est par principe le contraire du dogme absolutiste, intouchable : il s’agit d’oser contredire le dogme, pour expérimenter de nouvelles théories. C’est ce qui génère le progrès.
  Certes Paul Feyerabend, dans son livre « Contre la Méthode, théorie anarchiste de la connaissance », explique que la science, en vrai, c’est un peu le contraire : peu importe l’expérimentation, presque, ce sont les dominants qui imposent leurs opinions. Effectivement, cela semble avéré, mais il s’agit d’une trahison de l’esprit scientifique, rendant méprisable cet édifice qui aurait pu être admirable.
  Quant à l’argument du statut, de la communauté d’experts, il est pareillement invalide, prouvé invalide : quand j’ai appris la Microbiologie, à l’université en 1982, le dogme était qu’il fallait écrire Escherichia Coli, non Escherichia coli, « tous les microbiologistes le savent bien et sont entièrement d’accord » (c’était une très célèbre exception pour ce genre-espèce dénué d’autre espèce). Eh bien non, plus tard, des publications ont osé montrer la différence d’Escherichia fergusonnii, hermannii, vulneris, etc. et tout le monde maintenant écrit Escherichia coli, l’écriture anciennement obligatoire étant dorénavant punie comme faute. Se cramponner à un état instantané en interdisant les remises en question est tout le contraire de la science vraie, il s’agit de scientisme dogmatique, prétendant à la Vérité Éternelle, par contresens.

4- Erreur managériale
  Quand j’ai émis mes objections, recevoir la réponse « et on n’en parlera plu’ » s'est avéré incompréhensible, contre-productif. En effet, deux lectures sont possibles :
1/ Les objections sont refusées, l’ordre est imposé hiérarchiquement, tant pis s’il est contestable ou absurde, « garde-à-vous ! » ;
2/ Les objections sont reconnues pertinentes, désolée, l’ordre est annulé.
  Pour savoir si le sens est 1/ ou 2/, il faut l’expliciter, alors que refuser d’en parler est tout le contraire, laissant ouvertes les deux interprétations. Donc je choisis 2/ et n’appliquerai pas le commandement d’italique obligatoire. Si on me dit que je commets là une faute, je rétorquerai que la faute est ailleurs, dans le refus d’en parler pour devenir clair.
  Au sujet de l’italique plus précisément, il est notoire que les journaux s’astreignent à écrire en italique les mots étrangers (quoique New York soit écrit je crois sans italique, alors que les Espagnols l'hispanisent en Nueva York), mais « minimum, maximum » du latin sont devenus français sans italique, et post mortem ou ad hoc ne gagnent rien en clarté à être précisés « et ça vient du latin », sauf pour les latinistes super fiers puants. A ce sujet, je conteste que les microbiologistes parlent latin : dans mes 5 années d’étude de latin (jusqu’à la note 18/20 au Bac 1981), on m’a dit et répété que les y et u latins se lisent respectivement u et ou, donc les microbiologistes lisant « stafilokokuss » le mot Staphylococcus ne sont en rien latinistes, puisqu’il faudrait lire en latin « stafulokokouss »).
  Mais non, les fiers dominants écrasent, c’est comme ça que marche la Science, et l’Entreprise davantage encore. Hélas. Dictature. Tant pis, je ne vais pas partir en révolution, je m’écrase, mais je dis sur le Web pourquoi j’ai raison et en quoi la dominante a tort.