RACCOURCI CONTRE LES TABLES DE MULTPLICATION
A propos de démonstrations matheuses et contestation d'instit'
(par Briz, 31/01/2012, mis en ligne le 24/05/2012)


    Maintenant que je deviens Papa, j'étais triste de devoir bientôt être obligé de faire acte d'autorité si mon fils n'aime pas l'apprentissage des tables de multiplication, avec la phrase pour moi horrible "tu DOIS apprendre ça par coeur ! Allez !"... (même si c'est pour le bien du petit, il le comprendrait un jour).
    Dans ce contexte, j'ai trouvé super-intéressant une triple-page (dans un livre qui m'a été offert, sur les Maths) disant qu'en Inde, les enfants n'apprennent pas tout le carré des combinaisons de 1x1 à 9x9, mais s'abstiennent d'apprendre de 5x6 à 9x9, retrouvable autrement très simplement. Ils donnaient la recette en disant "changez les chiffres, vous verrez ça marche à tous les coups".
    De mémoire, l'exemple était: 7x8, l'enfant dit 7 c'est 10-3 donc -3, 8 c'est 10-2 donc -2, alors... pour le résultat : le chiffre des dizaines c'est 7+8 qui fait 15, comme ça dépasse 10 on enlève 10 donc ça fait 5, et pour les unités c'est -3 fois -2 donc 6, donc le résultat est 56. Ça marche! Et pareil pour 9x9: 9+9=18 donc 8 pour les dizaines et -1 fois -1 donc 1 pour les unités, soit 81, ça marche ! J'ai trouvé ça génial, bravo aux Indous antiques, plus forts que nos instits sévères (et prétentieux méprisant les bougnouls indiens...)! Enfin, si certains trouvent ça plus compliqué que réciter, libre à eux, il serait quand même juste de proposer les deux voies.
    Mais, cette nuit, dans mon oreiller, j'ai refait le calcul pour comprendre en quoi c'est certain (et là, je me suis levé pour l'écrire et essayer de me rendormir après):
    On veut AxB, avec A=10-a et B=10-b, le résultat de (10-a)x(10-b) =100+(axb)-(10xa)-(10xb) =[10x(10-a-b)]+(axb) =[10x(10-a+10-b-10)]+(axb) =[10x(A+B-10)]+(axb). Et voilà, donc pour les dizaines, c'est toujours A+B-10 (pas besoin de se demander si ça dépasse 10), et pour les unités c'est toujours axb, pas besoin de passer par (-a)x(-b). Bien vu! Enfin, pour généraliser, c'est pas tout à fait ça, puisque, pour 5x6, ça ferait 1 en chiffres des dizaines et 20 en chiffre unique des unités, ce qui est bizarre, non: le principe est juste 1 dizaine + 20 unités, ça fait bien 3 dizaines, 30. Ça reste juste, mais les Maths logiques sont plus clairs que les recettes mystérieuses incomprises. C'est même juste (quoique pas utile du tout) pour 2x2, qui fait avec la formule : 10x(-6)+64=4.
    En pratique, qu'est-ce que ça fait gagner? Ben, de 1à9 x 1à9, ça faisait 9x9=81 trucs à apprendre par coeur (ou 8x8=64 si on enlève le 1, trop facile), intolérable selon les petits rebelles... Bon, avec la commutativité (7x8=8x7), ça en enlève presque la moitié, moins la diagonale de 2x2 à 9x9, reste 36 lois à apprendre (8+7+6+5+4+3+2+1). Les Indiens, avec "connaître axb évite d'avoir à connaître AxB" nous en épargnent 14 (4+4+3+2+1). Il en reste 22 quand même (8+7+6+1), oui, à apprendre, mais par rapport aux 64 affichés au mur (ou 36 avec commutativité), ça torturerait moins, non? J'aime bien cette idée que les parents doivent faire un effort pour imposer le juste nécessaire aux enfants, pas "davantage au nom de l'autorité indiscutable"...



PS. La formule trouvée plus haut, AB= 10(A+B-10) + ab, peut aussi faciliter peut-être l'accès aux tables de multiplication "au dessus de 10", qu'apprennent les candidats des "chiffres et des lettres" par exemple. 13x12=10(13+12-10)+(-3)(-2)=156.

PS2. (29/05/2012) Via mon frère, une institutrice retraitée a répondu de manière intéressante : elle dit que le par coeur des tables de multiplication a une double vocation: celle de gagner du temps (le résultat s'affiche immédiatement dans ta tête, sans tatonner, sans bidouiller) et celle de faire fonctionner la mémoire qui comme chacun sait et contrairement à ce que proférait Sherlock Holmes, n'est pas une pièce aux dimensions limitées où l'on entasse des données, mais bien une fonction que l'on entraine et qui se développe en la sollicitant, justement.
--> En retour, pas convaincu, je présenterais quelques éléments de débat :
*A- Pourquoi s'arrêter à 9x9 (ou 10x10, en fait)? Au nom de l'instantanéité, les candidats des Chiffres et des Lettres apprennent par coeur jusqu'à 25x25... On pourrait s'arrêter à 5x5 tout aussi bien.
*B- L'école Française est si brillante que nos élèves sont au 23e rang européen, quelque chose comme ça, et s'avèrent presque les plus mauvais du monde en langue étrangère. A mon avis ça vient d'une école abrutissante inhibante, exigeant la perfection par coeur au lieu du tâtonnement compréhensif. J'ai personnellement souffert de l'illogisme de cet enseignement, même s'il m'a couvert de lauriers (après que j'ai baissé mon froc, au sujet de la logique orthographique, alphabétique – qui était très possible, je l'ai prouvé depuis, rejoignant la logique finlandaise transparente, des meilleurs écoliers d'Europe...).
*C- Le drame d'élire le par-coeur en interdisant la démonstration/contestation personnelle, je l'ai rencontré en fac de médecine, bien plus tard que l'école primaire ("mathématiques appliquées à la biologie"). C'est ce qui rend imméritées les supériorités sociales, à mon sens, les réciteurs écrasant les logiques. Cela conditionne jusqu'à la loi (Fabius-Gayssot), avec interdiction de penser, tout en clamant la Liberté universelle et tout. Affligeant.
*D- Je ne parlerai peut-être pas ici du célèbre "devoir de mémoire", en fait "devoir de récitation", "devoir de soumission à l'autorité (à contestation interdite)", c'est peut-être un jeu de mot, de cette pourrie langue française. Je comprends que l'institutrice voulait favoriser en chacun la capacité à "retenir et répéter (même sans y croire)", d'accord.
*E- Les "récitations de poésie" sont une autre forme d'entraînement de la mémoire. Cela m'a longtemps dégoûté de la poésie, presque irréversiblement. Je comprends que certains haïssent les Maths à jamais, à cause du par-coeur des tables de multiplication. Les exercices de mémoire infantile pourraient être libres, plaisants, volontaires : dinosaures pour les uns, avions ou footballers ou chansons pour d'autres.
*F- L'institutrice qui invitait ses élèves à répéter pouvait être gentille, sans cautionner les mochetés de cette société, mais la toîle de fond me déplaît, pardon. Je reste pour le moins réservé sur l'acte d'autorité faisant apprendre par coeur "de force", sous menace de punition ou exclusion.