Critique étonnée du livre « Rosa Luxemburg. Non aux frontières »
(d’Anne Blanchard, Actes Sud Junior, 2014, « Ceux qui ont dit »)
petit mot « s » par Tacus , 21/01/2018

  Hier matin, je suis passé à ma librairie favorite commander un livre militariste (« Servir »), aperçu en supermarché mais je préfère donner le même argent à un libraire-conseil, car un livre ce n’est pas un yaourt à mon avis. Il ne s’agit pas pour moi de célébrer le militarisme, je suis antimilitariste, mais justement : contester point par point l’argumentaire d’un général me parait utile. Et… dans cette librairie, j’ai eu l’œil attiré par des couvertures de livres : Non au franquisme, Non aux frontières… Ce dernier thème me plait, puisque la télé est horriblement « 100,00% nationaliste », comme les gouvernements français successifs, en prétendue opposition (droite, gauche, centre), prétendant vilipender l’extrême-droite nationaliste, alors qu’ils partagent les mêmes valeurs, au populisme près (en cachant que l’esprit démocratique est opposé à leur fausse représentation républicaine avec interdiction de référendum d’initiative populaire). J’ai donc lu ce livre, et… je suis immensément déçu. C’est comme avoir oublié de réfléchir, et être publié pour ça (en prenant la place des auteurs rejetés) me semble un scandale.
  Ça se veut un récit par le chat domestique de la révolutionnaire communiste spartakiste Rosa Luxemburg, assassinée en 1919 à Berlin. Il est répété que tous les peuples haïssent les Juifs comme elle, et que la guerre entre nations est criminelle, même si le communisme bolchevik russe se trompe gravement de voie en assassinant les opposants.
  J’aurais abordé très différemment la question : exactement comme le judaïsme et l’aristocratie, le nationalisme est un affreux anti-mondialisme, décrétant qu’il y a des supérieurs de naissance et des inférieurs de naissance, en dignité et en droits. Il n’y a aucun mystère à ce que soient haïs les juifs (par les prétendus « sales goys »), les aristocrates (par les prétendus « sales manants »), les nationalistes (par les prétendus « sales étrangers »). Et puis… depuis 1948 triomphe le sionisme, forme nationaliste de judaïsme, ultra majoritaire (ne serait-ce qu’indirectement, par sympathie ou une fois le Messie venu), ayant expulsé la majorité palestinienne pour cause de prétendue « sale race » (sans aucune offre de devenir juive) et interdisant son retour grâce à la domination mondiale des nationalistes (« Nations Unies ») avec leur sacralisation des frontières – ce que je conteste, pas du tout l’auteure de ce livre, passant (volontairement) à côté du sujet.
  Par ailleurs, j’ai été choqué que l’héroïne se prétende une grande dame, car supérieurement diplômée en économie. Or je conteste la crédibilité de la prétendue science économique (nulle à prédire, ne faisant que blablater a posteriori), et cela me semble la classer en prétentieuse imbécile dénuée d’esprit critique. Qu’elle soit hargneuse révolutionnaire ne fait d’elle qu’une excitée violente, en rien une lumière intellectuelle crédible.
  Enfin, une autre partie du livre, finale, est consacrée à la crise actuelle, hors cas Luxemburg, avec les expulsions de migrants du Sud et de l’Est. Et il me semble grandement manquer l’essentiel : le sionisme des gouvernants (et médias) d’Occident rend notre position intenable intellectuellement et moralement. En effet, s’il fallait rendre Israël aux Hébreux, alors équitablement il fallait rendre les USA et Antilles aux Amérindiens, a fortiori (propriété 400 ans en arrière et pas 2000 ans), mais non, personne n’en parle et pas non plu’ ce livre. Effectivement, refuser les migrants pauvres est facile, mais s’il fallait accueillir de force un demi-milliard d’Américains expulsés façon Palestinienne, l’Europe croupirait dans la misère crasse, partagerait la misère du monde. C’est à songer à ça que devrait servir l’intelligence, le sens moral, le monde des livres. Mais non, surtout pas, chut. Il faut répéter que les Juifs sont les victimes innocentes de toute haine, et que l’Occident a bonne conscience, passées les grandes guerres nationalistes. Eh bien non ! J’ose dire Non aux frontières, moi, pour de vrai ! A commencer par celles d’Israël, de France/Europe, des USA. Le titre a ici été volé, dommage.
  La collection se trompe de toute façon, à mon avis : ce qui compte, c’est les arguments en jeu, pas du tout les célébrités les ayant portés, plus ou moins mal d’ailleurs, comme démontré ici, avec une groupiste juive se prétendant humaniste. (L’origine juive est innocente, comme une autre, mais le groupisme juif préfigurait le nationalisme sioniste, tout au contraire d’aller en sens inverse).
  Grâce à Internet, je double le monde des livres, en disant bien plus important, sans censure exigeant position pro-Israélite.

––– Petit ajout clarificateur, 23/01/2018
  En me relisant, je perçois une légère faiblesse argumentaire, ou plutôt : un raccourci insuffisamment explicite, prêtant à malentendus. Je pointais l’incohérence israélophile de la position française (et occidentale) : il faut rendre Israël aux Hébreux mais pas les USA (et Antilles) aux Amérindiens (et pas l’Océanie aux autochtones etc.). Je l’abordais par le biais de ce qui se passerait si les USA étaient vidés de leurs habitants dénués de sang amérindien (horreur et misère, donc il ne fallait pas faire ça pour Israël), mais ce n’est pas que j’appelle de mes vœux cette Amérindie ethniquement pure et à frontières bétonnées, ce serait contradictoire complètement avec ma position.
  A mon avis, positivement : je ne suis pas partisan d’entamer une guerre atomique totale avec les USA (avec milliards de civils tués), alors équitablement il ne fallait pas rendre Israël aux Juifs (pas se montrer racistes pro-Juifs ou fanatiquement religieux judéo-chrétiens) ; et le mieux serait d’abolir toutes les frontières pour appliquer effectivement « tous les enfants naissent égaux en dignité et en droits » et « liberté de circuler » ; alors les citadelles Israël, Europe, USA disparaitraient, se diluant dans le monde, pauvre oui. Nos populations le refusent, ni plus ni moins que les aristocrates refusaient l’abolition des privilèges, ça fait de nous « les méchants » dans cette histoire. (Et moi je suis un renégat parmi les méchants, pas un gentil pauvre, j’assume seulement la culpabilité et j’ose l’exposer).