Formation « Subisseur d’audit (industriel) » : aïe, ouille !
réflexions hérétiques encore
par Fay Moutton-Soumy, Lille 16-19/12/2016

  La semaine passée, j’ai été convoqué(e ?) dans mon entreprise à une « formation à l’audit », d’une heure environ, pas pour auditer une structure ou entreprise moi-même (ou nous-mêmes puisque nous étions plusieurs) mais pour savoir comment me comporter en tant qu’audité, pour satisfaire l’auditeur quant à la qualité de notre entreprise. Il n’y avait rien de secret ou honteux, pas du tout d’instruction de mentir ou cacher, seulement un rappel (par l’encadrement) de grosses évidences, certes peu connues des humbles comme moi au bas de l’échelle. Je pense donc pouvoir ici en discuter sur Internet, anonymement sans citer mon employeur, pour faire réfléchir en tant que citoyen technicien, sans trahir aucunement la compagnie me versant salaire.
  Il y a des évidences non conflictuelles, dans cette initiation à l’audit, comme l’incitation à la courtoisie et la réserve (pour la cordialité et « ne pas donner le bâton pour se faire battre »), mais deux points m’ont choqué, l’un mineur puis l’autre majeur :
1/ L’importance accordée à la notion de Réalité ;
2/ L’instruction d’être sûr de soi et du bien-fondé de ce qui est fait ici.

1/ La Réalité
  Un diagramme (vraisemblablement célèbre chez les auditeurs et chefs audités) expliquait le principe de l’audit comme un triangle reliant le référentiel officiel, les procédures internes, la Réalité. Or il se trouve que je ne suis pas réaliste et suis même l’auteur du livre « Contre la Réalité ». Ici, cela voulait dire « ce qui est fait en pratique », au-delà des instructions internes (procédures) et guide officiel (référentiel). Mais parler de Réalité s’oppose au Rêve, et c’est illégitime ici car absolument rien ne prouve que je ne rêve pas (quand je me crois employé de cette compagnie, ou humain, ou vivant, etc.). Le commandement semble donc édicté par des ânes ayant oublié de réfléchir de manière contradictoire. Certes, la philosophie sceptique est punie de 2 ans de prison dans cette société France (secrètement) dictatoriale, avec la loi Gayssot (par ailleurs raciste pour rendre Israël aux prétendus Hébreux sans rendre les USA aux Amérindiens). En tout cas, le contexte n’est pas simple harmonieux mais horrible, rappelé par ce détail d’expression aveugle, hélas très classique et très moderne à la fois. La lucidité est ailleurs…

2/ La confiance en soi
  Quand la formatrice a dit et répété qu’il fallait être sûr de soi et de la qualité de ce qu’on fait, je me suis senti à bout et là j’ai levé le doigt, pour objecter : « madame, dans mon service Recherche, nous faisons de la science, basée sur le tâtonnement, le doute, l’intelligence critique, c’est tout le contraire de ce que vous préconisez ». La réponse a été qu’il faut se référer aux décisions solides prises en comité, tranchant les débats éventuels, auquel il faut que l’employé se réfère avec pleine confiance. Toutefois, cela me semble doublement erroné :
– La lucidité est dans le doute systématique, non dans la croyance temporaire, dans la décision puis décision contraire éventuelle après revirement. Mathématicien amateur et inventif, j’ai trouvé et prouvé de très multiples erreurs mathématiques dans les guides officiels (et enseignements universitaires les déclinant, et procédures chez nous a fortiori), là est l’intelligence prévenant l’erreur, pas du tout dans l’attitude confiante fonçant tête baissée en gobant les âneries, supposées « pensées par des experts ».
– Dans mon travail quotidien, j’ai conscience des imperfections, approximations contestables, contradictions possibles, et cela constitue à mon sens la compétence même. Au contraire, appliquer bêtement ce qui est écrit, considéré parfait, semble une attitude mécanique fonçant droit dans le mur (certes pas forcément rencontré d’ici ma retraite ou la banqueroute de l’entreprise pour d’autres raisons éventuelles).

Bilan
  L’audit Qualité me semble tout le contraire de la Qualité, tant intellectuelle que pratique. Mais sous la menace de sanction via les auditeurs, il faut s’y plier. Cela semble stupide mais cela vaut loi, alors je soupire et je m’incline, comme d’habitude (les lucides sincères sont sans doute en prison et/ou au chômage).