Je suis en train de dactylographier le futur opuscule écrit par ma mère au sujet de sa propre mère, et une phrase m’a « secoué », choqué, m’incitant à réfléchir, pour digérer, essayer de digérer... Mon analyse (délirante) est toutefois trop longue pour être incluse en annexe du petit livre maternel (et trop négative pour un livre-hommage), par ailleurs il sera plus aisé de réfléchir sans me focaliser sur ma grand-mère, mal connue. D'où ce site extérieur. En tout cas, je saisis VITE cette opportunité de faire le point en tant qu’adulte relativement « libre », avant de voir très prochainement chamboulées mes valeurs par une adoption m’amenant à la position de parent, qui peut effectivement tout changer (en mieux paraît-il, j’en doute).
La phrase C’est un témoignage de ma cousine L--, citant notre autoritaire grand-mère : « le commentaire des études qu'entreprenaient ses petites filles : ’’Dire qu'il y en a une qui a les mains dans la terre, l'autre qui les a dans la merde et la dernière qui sert les gens... ’’ ». Cela fait je crois référence à L-- paysagiste, S-- ingénieure en environnement, J-- diplômée en restauration. J’ignorais totalement que ma grand-mère avait eu ce jugement cassant, mais le découvrir – avec regret – m’est précieux (merci cousine), expliquant ou confirmant beaucoup de choses.
Mon opinion spontanée est exactement inverse : à mon avis ces trois professions méritent bien davantage salaire que le métier d’institutrice (française) de ma trop fière grand-mère. Je vais expliquer, pas à pas.
Notre tradition familiale Mes deux parents (nés dans les années 1930), comme mes quatre grands-parents (nés dans les années 1900), étaient enseignants de l’école publique, leur but familial à tous semblait être la « réussite » de leurs enfants et petits-enfants (nés dans les années 1960-70), pour faire fonctionner au maximum « l’ascenseur social » via le mérite scolaire. J’étais extrêmement « bien parti » en ce sens : toujours premier de la classe, classé « surdoué », et cela même à l’âge de quinze ans, adolescent, abordant les difficiles mathématiques de l'époque (« démontrez que » et non plus du tout « appliquez bien ce qu’on vous a fait apprendre par cœur »).
J’ai toutefois « disjoncté » au cours de cette année 1979, en tombant amoureux fou de la dernière de la classe, en détresse et insultée par les profs, pauvre petite que je préférais infiniment à moi-même et aux prétentieuses briguant ma place de premier. Enfin… la déconnexion de la tradition était amorcée, mais pas encore irréversible : si la jeune fille en question avait accepté mon aide scolaire, pour remonter et ne pas redoubler, pour briller à son tour, ç’aurait été un contretemps souriant (me détournant de la focalisation sur des performances personnelles maximales mais) ne m’éloignant guère du chemin prévu. Toutefois, elle a refusé mon aide en me faisant la gueule, ce que j’ai cru être un refus vis à vis d’une sorte de condescendance méprisante (involontaire), et là je me suis donné tort à 100%, ou 1000%... C’était un malentendu, je l’ai appris 14 ans plus tard (d’elle, en fait ambitieuse méprisant les humbles, ayant seulement eu une année de déprime passagère), mais mes valeurs s’étaient cristallisées entre-temps, autour du principe d’injustice, de culpabilité en haut de l’échelle.
J’ai voulu devenir « balayeur de crottes de chien » – après un Bac C mention Très Bien obtenu involontairement après 2 ans et demi de dépression, sous antipsychotiques pour ne pas (re-)sauter par la fenêtre – je souhaitais devenir socialement zéro (à défaut d’être mort, ce qui aurait effectivement culpabilisé mon adorée, je n’en avais amoureusement pas le droit), mais cela faisait une peine immense à ma famille, et j’ai donc accepté de faire de courtes études de technicien supérieur, avant de préférer un poste de simple technicien (non supérieur).
Je suis donc sorti vivant, de justesse, de cette adolescence, mais pas du tout dans la ligne prévue. Maintenant, je regarde « d’en bas » cette société approuvée par mon ambitieuse famille, et je suis simplement amer : sans regret aucun quant à ma position (voulue et assumée), mais simplement dégoûté par la situation que je vois (je vais expliquer pourquoi). J’ai finalement accepté que mon diplôme soit reconnu et payé, mais j’ai refusé la promotion au poste de cadre (à mes yeux : complice actif du système de domination injuste).
La « réussite » dans le privé N’étant par hasard pas devenu balayeur fonctionnaire, ni laborantin hospitalier, je me retrouve employé du secteur privé. « Au dessus de moi », je vois « faire carrière » des menteurs et des ambitieux, techniquement incompétents, mathématiquement erronés, flattant les puissants et manœuvrant pour monter toujours plus haut à la place d'autrui – les Etasuniens appellent cela « la course de rats », c’est l'idéal commun là-bas. Le secret de la réussite est clairement le mensonge : mentir sur les performances du produit (avec un enrobage mathématique que je suis apparemment le seul à démonter) est ce qui fait vendre, ce qui assure le succès, la promotion personnelle. Plus les managers sont haut-placés dans la hiérarchie, plus ils mentent ouvertement, et si je suis en désaccord, la seule réponse reçue (faute d’argument sur le contenu) est que je suis libre de démissionner. Certes, c’est en cela que les employés ne sont pas esclaves. Mais dire (comme ma grand-mère ?) que les serviteurs sont inférieurs en respectabilité me paraît odieux : mes « petits » collègues voient « au-dessus » d’eux les mensonges (ou certains mensonges évidents, hors questions mathématiques), et sourient ou soupirent, subissent, préfèrent penser à autre chose – être indifférents à ce cirque nul assure notre salaire, permettant de faire vivre (et assurer l’avenir de) leurs enfants.
Je ne suis pas révolutionnaire, je ne souhaite pas que la classe d’en-bas massacre ou écrase la classe d’en-haut (elle ferait sans doute pareil à sa place, comme les générations anti-aristocrates sont paraît-il devenues esclavagistes), je juge simplement que cette domination sociale présente n’est en rien une domination intellectuelle, au contraire. (Et j’écris des livres le soir après le travail, des nouvelles romantiques surtout mais aussi les éléments de réfutation de la crédibilité scientifique, de la statistique pharmaceutique, de la moralité chrétienne, thèses que je crois mille fois plus majeures que le pompeux dégueulis verbal de nos érudits professionnels – j’ai peut-être davantage produit « intellectuellement » que mes grands-mères « à métier intellectuel »). La position sociale n’a visiblement aucun rapport avec le mérite personnel objectif (en honnêteté, en logique, en inventivité, en performance productive, en effort pour servir autrui). De très fiers « beaux-parleurs » (beaux selon eux) dominent injustement, cela me paraît très évident – certes ici comme ailleurs, c’est peut-être l’Humanité qui est intrinsèquement malade, préférant le mensonge égoïste à la cohérence altruiste : on n'aime pas être victime de mensonge, mais on le pratique pour en tirer profit. (Je ne généralise pas démentiellement à partir d’un cas d’entreprise anormalement malhonnête, les mathématiciens professionnels m’ont répondu « tout le monde fait comme ça, c'est pareil chez les concurrents : il faut un peu oublier le théorique, pour répondre au besoin demandé » ; effectivement, les aberrations sont explicitement dans les textes réglementaires officiels, écrits par des commissions d'industriels… j’ai tout cassé, et reconstruit – à la maison – mais les tests seraient alors beaucoup plus chers, avec des conclusions assorties de colossales réserves que détesterait le marketing et qui embarrasseraient les vendeurs, et ça « validerait » infiniment moins de produits, alors… chut, il faut pas le dire… il faut « être positif », « se montrer responsable », « piloter sa carrière »…).
En tout cas, avec ou sans la moderne dérive en blouse blanche (détournant l’honnêteté mathématique), le système marchand me paraît pourri par principe : au lieu de distribuer la production utile, il s’agit de mentir sur le coût pour en fait s’enrichir personnellement aux dépens d’autrui (producteurs sous-payés, clients sur-facturés, concurrents ruinés), appâter pour l’inutile (quitte à générer violence ou ruine), gaspiller en offre pléthorique (mais chère pour finalement encombrer les poubelles futures en ayant épuisé les ressources). L’enrichissement choquant de spéculateurs sans aucun mérite et de traders bradeurs d’usines est célèbre, mais le mal me paraît bien plus profond – il y a deux mille ans, si les 4 Evangiles officiels ne sont pas des contes anachroniques, l’esclavagiste Jésus-Christ (approuvait l'extermination volontaire d'enfants par le Déluge, voulait faire assassiner les parents incroyants mais aussi) punissait d’enfer les serviteurs ne rapportant pas plus que les intérêts bancaires. Les malhonnêtes exploiteurs laïcs ont remplacé leurs équivalents religieux, sans faire moralement mieux. J’aurais dû être ermite, si les ermites ne sont pas délogés des montagnes (enfermés en asile ?) par les « possesseurs » du monde. Je mange, sans produire la nourriture, ça me paraît déjà injuste, j’aurais dû être ouvrier agricole peut-être (comme le Gésus-Trist dont j'ai inventé l'histoire). En maudissant des employeurs oisifs richissimes, « ayant réussi » injustement…
Mon frère fonctionnaire, professeur, m’a dit un jour que « le Mal, c’est le fric », ce qui me semble partiellement vrai. Et en théorie, je pourrais passer des concours pour entrer dans le secteur public, non lucratif, si ne sont pas automatiquement refusés les « réformés du Service Militaire pour troubles psychiatriques ». Mais…
La position dans le secteur public Vue du monde privé, la fonction publique s'avère choquante, allant de l'inefficacité bougonne des répondeuses téléphoniques Sécu à la tranquillité énervante des chercheurs CNRS (en linguistique romane ou autre) explorant ce qu'ils veulent sans aucun souci de retour sur investissement justifiant leur paye, cette logique étant couronnée par les privilèges des sénateurs (luxueuses indemnités et retraites auto-attribuées) s'affirmant élus représentants sans s'être soumis au choix populaire. Mais bon, il convient de dépasser ce vernis et creuser un peu.
[Comme ma famille, j’aurais pu devenir enseignant, par exemple en Maths puisque c’est là où j’ai le plus de facilité. Mais… je suis renégat, pardon. Pour prendre un souvenir scolaire, je peux citer le théorème h²=a²+b² en triangle rectangle, qu’on apprenait pour la diagonale des champs de blé à l’école (primaire je crois), en récitant qu’il était l’œuvre du philosophe athénien Pythagore (je ne me souviens plu' s’il fallait citer que ce mathématicien était daté « 5 siècles avant Jésus-Christ »). Les élèves-moutons bien notés (comme moi à l’époque) extrayaient l’une des mesures de l’énoncé des deux autres, même avec présentation compliquée embrouillant les choses, mais je le regrette. J’aurais dû dire : « m’dame, j’y crois pas à votre loi, et Pythagore comme Jésus-Christ ils ont peut-être pas existé ». Si je n’avais pas été enfermé (pour révisionnisme illégal), j’aurais été classé « débile », à tort. Le drame est que l’instit’ était en fait inapte à prouver ce qu’elle affirmait : ses énoncés « on sait que » comme « il est démontré que » cachaient chez elle en fait « les autorités m’ont affirmé que… et je les crois ». Si elle m’avait fait vérifier ses dires au double décimètre, j’aurais dû répondre : « oui, ça semble pas-absurde, mais pas forcément plus exact que circonférence/diamètre = 3,1 ou 355/113, que vous déclarez faux, et la vérification est toute brouillée par l’incertitude de mesure, et ça prouve pas que ça marche dans l’hémisphère Sud ou que ça marchait hier, que ça marchera demain ». 30 ans après, à titre de loisir, j’ai trouvé (pas dans les livres mais dans ma tête) comment démontrer le théorème de Pythagore, et quelles sont les prémices obligatoires pour y arriver ; c’est très facile, à la portée de tout élève de 9 ou 12 ans, mais ça prouve aussi que c’est invalide pour les découpes triangulaires de sphère, donc pour les champs terrestres (si « la Terre est ronde »)… Les institutrices ne méritaient pas l’autorité à laquelle elles prétendaient, je le percevais (quant à la « logique » prétendue de l’orthographe française) mais je me suis écrasé pour être numéro Un. J’en ai honte aujourd’hui, et je ne veux pas devenir l’oppresseur dans ce système laveur de cerveau. Mais il y a d’autres métiers publics que l’enseignement. Il faut continuer à réfléchir.]
En pays communiste, tout le monde est fonctionnaire, donc – comme pour nos fonctionnaires ici – le salaire est automatique, déconnecté de la performance (« ils font semblant de nous payer, alors on fait semblant de travailler », proverbe populaire en URSS). Résultat : misère crasse, famine même (il est moins fatigant de laisser pourrir que de récolter, c’est en ce sens préférable si le salaire est le même), d’où endoctrinement sévère, police politique omniprésente et oppression – l’utopie marxiste n’était pas crédible (avec des humains très majoritairement égoïstes, à titre individuel ou familial).
Le fonctionnariat en France capitaliste est différent : les salaires publics y sont élevés (à l’échelle mondiale, et souvent supérieurs aux salaires privés locaux – hors encadrement, sauf certains hauts fonctionnaires "alignés sur le privé" – surtout avec augmentation automatique à l'ancienneté), cela provient de la réquisition fiscale sous la menace, appliquée sur le riche système privé occidental. Bref, il s’agit d’encourager l’enrichissement privé, et – via la force policière/légale (loi du plus fort) – d’en profiter pour créer une bulle privilégiée, déconnectée du constant forcing en rentabilité (et avec grève chronique, sans risque, en disant crotte aux usagers démunis, faute de concurrence permise).
A l’école publique française, j’ai ainsi appris comment vivre légalement en achetant bas et vendant haut, sans rien faire, protégé par les services publics de police (et « Justice ») contre « le vol » qui refuserait de payer le prix arbitrairement exigé au dessus du prix coûtant. J’ai eu de très très bonnes notes, sachant calculer l’enrichissement, mais jamais (avant 16 ans, en cours de philo) on ne m’a mentionné la contestation possible de ce système. (Je comprends qu'il est utile d'avoir "entendu parler de" avant de pouvoir peser le pour et le contre, mais « faire ingurgiter comme "bases essentielles" tels et tels détails parachutés sans objection » ressemble au lavage de cerveau que pratiquaient les religieux. Ces religieux baptisaient les nouveaux-nés puis forgeaient les bases du sacré dans les esprits immatures avant émergence de l'esprit critique, souvent inapte alors à remettre en cause ces bases – et ma grand-mère a évidemment été désarmée quand son fils le plus brillant scolairement, au lieu de suivre sa voie anticléricale, s'est converti au catholicisme, en se plaignant de l'intolérance de sa mère : effectivement, sa logique professorale à elle ne semble pas avoir envisagé de réfuter, discuter, ne semblant concevoir le monde qu'en actes d'autorité, décrétant le bon et le mauvais, sans voir que si autrui fait pareil cela peut conduire ailleurs... au lieu de réfléchir de manière contradictoire et reconnaître les lacunes de chacun). Tout « l’enseignement » était conçu sur ce principe d'affirmation indiscutable – ainsi « l’instruction civique » faisait réciter le nombre de sénateurs et le découpage des cantons, surtout pas réfléchir au principe de démocratie indirecte méprisant le peuple (taxé de « populisme immonde » s’il refuse de se soumettre aux politiciens) pour élire des dominants décidant à leur guise – imparablement si gauche et droite sont d’accord ; ça aurait simplement fait comprendre les ressorts cachés de notre société dite libre, et la logique des adversaires (diabolisés par la propagande : fascistes, maoïstes, islamistes, etc.) ; pire exemple de collusion politicienne injuste : le sionisme, approuvant l’interdiction de retour des expulsés palestiniens, sans aucune expulsion parallèle des puissants états-uniens (les USA ayant été amérindiens aux temps bibliques), d’où haine terroriste en face, il serait néfaste pour les dominants que le peuple comprenne cette grave injustice dans leur sionisme, outrancièrement raciste (comme telle religion légale excluant conversions vers elle de mal-nés et condamnant les mariages mixtes salissant le sang "pur"), alors il est logique de former des veaux, des approbateurs choisissant parmi les dominants autorisés, gobant la propagande télé, en ne hurlant que des exigences consuméristes ou des chants de guerre sportifs/xénophobes tueurs de sang "impur". Même en cours de philo, il ne s’agissait pas du tout de réfléchir personnellement, au risque de démolir les idoles : le seul principe était de discourir savamment en citant des personnalités célèbres (devenir « champion » en Culture Générale). Dans toute cette scolarité, rien ne forgeait des intelligences critiques, tout valorisait les moutons adorateurs des traditions, devenant réciteurs-conteurs diplômés (avec « au sommet » : de futurs nouveaux-enseignants, propageant la « bonne parole », très brillamment pour les agrégés de l’Université – hors matières d’éveil, je pense à mon frère et concède que c’est différent).
Non, je ne peux plu’ réussir (par concours) dans ce contexte, même si je me suis laissé « acheter » par les bonnes notes à 6-14 ans : je conteste et doute arguments à l’appui, au lieu de réciter et manipuler. La loi française (Fabius-Gayssot et jurisprudence contre le scepticisme) me frappe maintenant d’interdiction et me menace de prison (pour délit d’opinion, sans le dire bien sûr), et si je n’étais pas classé malade mental, je serais jugé criminel, emprisonné (prisonnier politique sans l’avouer). Signaler que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (prétendument chérie par nos dirigeants, menteurs) impose la Liberté de pensée (sans violence) ne m’est guère possible, car j’ai aussi invalidé cette déclaration (faussement universelle) en la prouvant contradictoire sur des points majeurs (ruinant la crédibilité intellectuelle et morale de l’Occident). Pas un mot de ces réserves à la télé ou à l'école, c'est trop dangereux (pour les dominants, diplômés et/ou élus)... Alors… « réussir », dans ce système, je trouve ça simplement… moche… (c’est-à-dire qu’il me semblerait égoïste que je cherche à positiver en « C’est pourri : OK. Si j’en profite : tant mieux ! »).
Bref, bien que je n’aime pas la logique mercantile, je n’aime pas davantage la logique fonctionnaire ou publique. Il faut travailler pour vivre (et aider ma belle-famille travaillant en pays pauvre) alors je travaille, mais sans enthousiasme et en rejetant par dessus tout l’ambition (de domination hiérarchique ou professorale).
Le principe de travail A mon avis, le plus grand mérite est propre aux serviteurs, rendant péniblement service à autrui, méritant donc indéniablement salaire (côté moral atruiste : si je devais faire quelque chose de pénible, je serais un peu soulagé de recevoir confort en remerciement, alors je remercie ainsi les travailleurs de peine)... et certains d’entre eux peuvent être « libres penseurs » ou « inventeurs » le soir après le travail, contestant par la logique (côté intellectuel) les divers dogmes de leurs employeurs idiots ou menteurs – ce n’est pas d’employer qui pose problème, mais les dirigeants se jugeant supérieurs aux soumis me paraissent dans l‘erreur. Selon moi, la valeur personnelle n’est ni dans la richesse non partagée ni dans le statut privilégié, ni dans le nombre d’années passées à écouter des professeurs (en fait très contestables) et réciter (ou jongler), ni dans les « victoires » écrasant autrui.
C’est totalement à l’opposé d’une autre phrase, de ma mère au sujet de ma grand-mère : (elle était) « toujours sensible à la fréquentation des élites : J-- a réussi les difficiles concours de l’Ecole Normale Supérieure puis de l’Agrégation. P-- et lui côtoient les chercheurs les plus célèbres, et même des Prix Nobel ! ». … des Prix Nobel comme Begin pour la paix, après avoir (fait perpétrer l’extermination raciste de Der Yassin puis) organisé la « paix » par interdiction de retour des expulsés palestiniens (expulsés pour cause de « sale race » – et nos « intellectuels » unanimes, lettrés « si brillants », claironnent que le terrorisme en retour est « incompréhensible, fanatique »)… La réussite sans intelligence critique me paraît simplement imméritée. C’est hélas la loi de ce Monde, moderne (comme avant paraît-il). Tout au sommet de la « réussite », le Président Sarkozy a publiquement affirmé que l’intelligence est dans le camp du Mal, et l’autorité doit primer... (la citation exacte, datée, est dans le livre de P.E.Blanrue sur le sionisme sarkozyen). Misère des enseignants, petits officiers endoctrineurs pour ce système. Certes, c’est peut-être un peu moins pire que les enseignants d’autrefois, excitant le nationalisme pour conduire les masses aux boucheries de 1914-18, mais l’évolution (qu’ils appellent Progrès) n’a pas résolu le problème de fond.
Par ailleurs, dans la phrase de ma grand mère, le mépris du service et le mépris de la terre ne sont pas les seuls points qui m’ont choqué : le terme de « merde » est encore plus troublant. Il ne s’agit pas de s’offusquer d’un mot classé grossier par les pédants ampoulés mais d’une question de principe : ma grand-mère aurait détesté être « changeuse de couches-culottes gériatriques » ou « pelleteuse de purin porcin », commandée par de petits chefs aboyeurs d’ordres (et menaçant constamment de licenciement/misère) pour hausser les cadences, alors que bien des personnes effectuant ces durs métiers adorent les enfants et auraient aimé être institutrices. Avec le principe d’offre et demande, les hauts salaires devraient donc aller aux métiers pénibles n'attirant personne, et la quasi absence de salaire aux activités que seraient heureux d’effectuer une pléthore de bénévoles passionnés. Or… c’est l’exact contraire en pratique. Pourquoi ? A mon avis, parce que les meilleurs au plan scolaire choisissent les métiers les moins pénibles, dont ceux de législateurs et décideurs des salaires, en sous-payant les métiers exécrables auxquels sont condamnés les faibles immigrés et les esprits non scolaires n’étant pas en position de choix. On me répondra évidemment qu’il s’agit d’attirer les tout meilleurs vers les postes responsables, mais je trouve très moche que cette attraction soit fondée sur le fric inégalitaire (abaissant la rétribution d'autrui pour s'attribuer une grosse part de la masse salariale) et déconnecté du mérite à mon sens. Les hauts salaires attirent donc les choix égoïstes non partageurs (« le plus possible pour moi et ma famille, aux dépens des humbles qui triment super-dur, on s’en fout »), tandis que le rebut de la société fait le travail le plus méritoire (au sens de « l’effort mérite réconfort »). C’est là une autre définition de l’injustice selon moi. (Sans être angéliste, j'observe que les humbles d'ici entendent pareillement, injustement, mieux vivre que les ouvriers chinois travaillant bien davantage...). (Autre réserve : le succès scolaire, avec cette école abrutissante, va en un sens aux "bosseurs", mais il s'agit d'apprendre par coeur des montagnes d'affirmations parachutées, c'est très nul en performance intellectuelle [un ordinateur mécanique fait mieux], et ça ne devrait pas exempter de l'effort futur). On ne paye pas la peine, on paye la dominance, hélas (idée qu'ont d'ailleurs reprise les staliniens en faveur de leurs aparatchiks). Je ne suis pas d'accord : selon moi la peine mérite salaire pour être acceptée, le travail plaisant relève du loisir bénévole, avec simples applaudissements en cas de création plaisante. [L'invention d'automatisme diminuant la peine serait toutefois bénéfique... si le monde n'était pas en surpopulation chronique avec foules de chômeurs criant famine (ou refusant le travail en France RMIsée)... A discuter.]
Quelques expériences personnelles m’ont éveillé, au sujet de la regrettable professionalisation des loisirs :
– j’ai écrit un livre aéronautique (gratuit sur Internet) au sujet d'une période historique précise, essayant de fouiller le sujet pour m’amuser, mais je me suis heurté à la haine de certains historiens professionnels (français), cramponnés sur une rétention d’information pour obtenir gain financier du scoop qu’ils révéleraient, alors qu’ils le tenaient de don obtenu de retraités partageant leurs archives… (l’argent et la gloire ne vont évidemment pas aux partageurs effacés mais aux égoïstes exploiteurs, jaloux de leurs statuts privilégiés, de leurs réseaux de contacts) ;
– avec l’émergence d’Internet, je me suis aperçu que des milliers de dessinateurs amateurs dessinaient comme moi des avions imaginaires, pour le plaisir, alors que cette tâche semblait réservée à des « artistes » professionnels (c’est en cachant les travaux amateurs que les professionnels brillent, souvent, tandis que les copies partageant gratuitement le plaisant sont interdites par les Copyrights, transmissibles aux "ayant-droit" bien-nés, et donc punies par la "Justice") ;
– aérophile, j'estime que l'exercice de la mémoire est un loisir : beaucoup de passionnés collectionnent les souvenirs de "données" au sujet des dinosaures, des avions, des footballers, des timbres, des fleurs ou cactus, sans aucun salaire lié ; pourquoi apprendre les catalogues scolaires serait-il au contraire payé de domination sociale ? l'argument d'utilité (décrété par les autorités) ne me semble pas crédible : des années après, je me souviens encore que "1515 = victoire de Marignan" et "l'image d'un anneau commutatif par un endomorphisme bijectif est aussi un anneau commutatif", ou que Corneille a écrit "Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?", sans que cela m'ait jamais servi à rien (qu'à avoir des bonnes notes dans un contexte visant à exclure les "mauvais élèves" des voies "intellectuelles") ; on pourrait payer le travail de peine, tandis qu'à titre de loisir, certains collectionneraient les descriptions de lois, théorêmes, maladies, médicaments, chacun son truc, le mérite n'est pas là ;
– puisque j’ai inventé des outils mathématiques d’analyse, corrigeant des imbécilités appliquées par des dizaines de milliers de professionnels se prétendant supérieurs, je pourrais en escompter fortune ou gloire, mais la beauté morale me semble exactement contraire : juger que n’importe qui pensant correctement aurait pu le découvrir, et (si autrui existe) c’est un hasard que j’aie été le premier (ou le premier à le révéler sans être "étouffé, façon pré-Internet"), ça ne mérite rien qu’un sourire de satisfaction, et moins d’argent que le dur travail d’une heure de ménage ou autre.
En conséquence, j’estime que l’aura des « métiers nobles » est usurpée, totalement, et la position des humbles (non révoltés) me parait bien plus estimable.
Réserve ou complément : pour la génération de ma grand-mère (jusqu’au président Pompidou ?), « l’élite » était littéraire, les ingénieurs étant vus comme de vils matérialistes les mains dans le cambouis. Je trouve ça injuste, élisant de verbeux parasites inutiles. Mais le renversement des valeurs qui a amené la domination scientiste (pour ma génération, les « mauvais élèves » ne pouvant pas faire Sciences C, allaient en Lettres A pour les quartiers riches ou Technique T pour les quartiers pauvres) n’a élu que d’autres aveugles, avec d’autres idoles adulées sans oser formuler (voire penser) de contestation argumentée. Dans mon idéal, les meilleurs esprits seraient les matheux et logiciens honnêtes cassant les démonstrations fausses, dénonçant les propagandes, tandis que – sur un tout autre plan – les hauts salaires seraient réservés aux éboueurs, aux travailleurs sur marteau-piqueur, aux femmes de ménage astiqueuses entre deux tendinites (ma femme mérite plus que moi, à mon sens).