Pascal B comme Bancal ?
Casse du "pari"
par Petilèk Teur dit Tudor, 07/06/2020

   Quand j’étais lycéen, un de mes copains préférés s’appelait Pascal, Philippe Pascal je crois mais à l’époque les élèves (depuis l’âge de 5 ans) s’appelaient entre eux par leur nom de famille, je ne sais pas pourquoi. Et puis en classe on a étudié Blaise Pascal, un homonyme célèbre, donc. Je crois que c’était en première en littérature (« Français ») pas en terminale en philosophie. Ça ne m’a pas intéressé, pas convaincu, mais un oncle (élevé athée, converti catholique) m’a un Noël offert une intégrale des Pensées de Pascal, Blaise. Sans que ça me touche beaucoup plus.
   Ce que j’en retiens est le « pari de Pascal » : même si on ne croit nullement en Dieu, on a tout intérêt logiquement à y croire, car on ne perd rien (le divertissement est futile), et on a immensément à gagner (bonheur de croire, extase éventuelle, paradis post mortem, pas d’enfer post mortem).
   Ça ne m’a pas touché à l’époque, mais je peux maintenant argumenter contre, bien plus solidement :
– Devenir chrétien par intérêt personnel égoïste est moche, infiniment moins beau que le dévouement désintéressé (de certains chrétiens certes mais aussi de médecins ou bénévoles athées).
– Céder à la tentation « éviter le bâton, obtenir les carottes » est une forme de calcul possible, bien sûr, mais qui est intrinsèquement moche, ruinant la dignité individuelle et le libre arbitre : à ce titre, il aurait fallu être pétainiste sous Pétain, hitlérien sous Hitler, stalinien sous Staline, maoïste sous Mao, etc. Avec le même mauvais argumentaire : « applaudir 50 minutes par jour le héros Staline, qu’est-ce que ça vous coûte ? Et vous gagnez d’échapper au goulag, plus 1% de primes en denrées alimentaires, alors soyez raisonnables : soyez staliniens ! ». Selon moi, libre penseur : non, céder à cette pression injustement subie n’est pas forcément « très sage », c’est horrible en un sens (quoique possible comme consentement soupirant sous la menace dictatoriale/terroriste).
– En matière de bâton et carotte, le christianisme de Blaise Pascal n’était nullement le plus convainquant : le Coran bien plus que les Evangiles détaille les horreurs de la géhenne et les délices du Paradis promis aux bons croyants, pourquoi Blaise Pascal n’est-il donc pas allé au plus offrant/menaçant ? Non, ça semble un faux argumentaire mal bâti par quelqu’un se trouvant croyant par ailleurs, par tradition familiale peut-être (crédulité enfantine et absence de rébellion adolescente, carence personnelle en intelligence critique).
– J’ai lu un livre moderne prétendant prouver la logique de l’adhésion chrétienne, s’avérant écrit par un protestant évangéliste américain, et ce n’est pas convaincant du tout, non plu’, mais ça emploie un argument totalement contraire de Blaise Pascal : ceux qui se convertissent par intérêt seront punis par Dieu, connaissant les chemins intérieurs de chacun et exigeant la croyance désintéressée par pur amour de Dieu. Ce n’est pas idiot non plu’, pas davantage convaincant (tant que Dieu peut s’avérer une invention humaine), bref les argumentaires en faveur de la religion semblent dire n’importe quoi n’importe comment, dans toutes les directions. (Une autre preuve en est la Parabole du Bon Samaritain dans l’Evangile de Luc, exigeant de se ruiner à aider pour obtenir le Paradis : des Catholiques semblent dire « pas besoin, vivons riches et reconnaissons-nous pécheurs, pardonnés car nous prosternant devant Jésus », et des Protestants semblent dire « pas besoin, nous élus de Dieu sommes donc riches et prédestinés au Paradis, quoique nous fassions sur Terre », c’est pratique, c’est menteur – trahissant le texte sans l’avouer – intéressé financièrement, pensée d’escroc.)
  Ça ne retire pas l’amitié que j’avais pour l’autre Pascal, mangeur de livres et perdu de vue, mais Blaise Pascal me semble avoir été un mauvais penseur, pistonné à tort par l’école classique et moderne. Je le dirais à ma prof de français Madame Bories si elle n’était pas aussi perdue de vue, ou décédée peut-être.

Ajout 06/08/2020 : Compléments
  A la réflexion, je dénie autrement l’argumentaire pascalien (blaisois-pascalien…) à partir des mêmes éléments :
– Dans l’Evangile de Luc, Jésus ne répond absolument pas que pour avoir la vie éternelle, il suffit de croire en Dieu (ou en lui Jésus), non, il dit qu’il faut faire comme le Bon Samaritain, qui s’est ruiné à aider un blessé. Bref, il est faux mensonger d’affirmer qu’on ne perd que le futile divertissement pour gagner le Paradis (en devenant croyant), au contraire il faut se ruiner, ce que personne ne fait (pas même les riches Eglises spécialistes en application des directions chrétiennes théoriquement). Et cette ruine annonce d’immenses difficultés, comme la mort par inanition ou le très extrême inconfort (sauf si tout le monde se ruine à aider autrui, en un Paradis sur Terre façon Monde des Bizounours, mais ce n'est pas le cas et Jésus n'a nullement dit/envisagé comment gérer les résistances). L’argumentaire s’écroule, donc. Mais certes, la lecture des Evangiles n’était pas la religion chrétienne de l’époque. La messe s’effectuait en Latin (incompris de l’immense majorité des auditeurs, entendant ça comme mystérieux mots magiques), les textes sacrés étaient interdits en langue courante, et il n’était nullement envisagé que l’essentiel était les Evangiles de Jésus en laissant tomber l’Ancien Testament judaïque conduisant à un total de plusieurs milliers de pages, oubliables évidemment, à supposer qu’on ait pu lire le contenu. Bref, loin d’être un excellent argumentaire grandiose, le « pari »’était un mauvais argumentaire, pouvant naïvement être cru par les ignorants de l’époque.
– Par ailleurs, certains chrétiens protestants tenant de la prédestination affirment que, quoi que l’on croie ou non, on est destiné au Paradis ou à l’enfer par avance. C’est une autre façon chrétienne de donner totalement tort à Blaise Pascal (disant « croyez, vous y gagnerez immensément ! »). Hum.

Ajout 13/08/2020 : Relecture
  J’ai repris le livre « Œuvres complètes » de Blaise Pascal qui m’avait été offert, et j’ai cherché « le pari » dans le sommaire, sans le trouver. Toutefois, j’ai trouvé le texte (partiel) citant la source sur Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pari_de_Pascal ) : fragment 397, qui s’avère constituer les pages 676-681 du livre (20 paragraphes au lieu de 1 paragraphe). Wikipedia n’en cite que le passage majeur, avec une intéressante discussion ensuite, en pour et surtout contre. A ces arguments contre, j’en ajouterais un, majeur selon moi : si j’étais le Créateur, je ne donnerais nullement récompense infinie à qui croit que j’existe et punition infinie à qui croit que je n’existe pas ; agir ainsi serait narcissique puant d’orgueil, tout le contraire d’un bon Dieu ; donc je récompenserais tout le monde (avec une prime aux gentils, une petite réprimande aux méchants, et cela en gentillesse/méchanceté envers autrui humain, indépendamment des croyances religieuses dans les nuages). Mais Blaise Pascal est totalement intoxiqué par ses textes sacrés bibliques, à la fois terroristes et promettant bonheur infini au-delà du possible si on suit ce qu’exigent les religieux (désintéressés ? hum…). Non, ce n’est pas objectif, c’est une attitude crédule sans intelligence critique.
   Par ailleurs, donner récompense infinie (ou punition infinie) indépendamment des actes (de générosité envers autrui) contredit la Parabole du Bon Samaritain, dans l’Evangile de Luc, selon laquelle il faut se ruiner à aider pour gagner la vie éternelle. Donc Blaise Pascal chie à la gueule de Jésus-Christ en prétendant le servir et l’adorer, c’est plutôt raté, comme argumentaire « logique ».
   J’ai relu les 6 pages du texte intégral 397, aussi, et :
1/ Je re-note une phrase que citait (sans la discuter) Wikipedia : « il faut parier. Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué. (…) puisqu’il faut nécessairement choisir (…) puisque vous êtes dans la nécessité de jouer (…) Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison ». Et je ne suis absolument pas d’accord avec cette injonction, obligeant à risquer l’erreur sans savoir, condamnant la sagesse sceptique par principe. Je connais le même désaccord quand un ami contradicteur me donne tort d’hésiter entre accepter et rejeter l’hypothèse du rêve (mien, présent), il dit : « il faut choisir ! pas accepter tout et son contraire ! » mon argument usuel est que c’est comme la sagesse agnostique en matière religieuse, qui n’affirme rien, ne sachant pas. Mais ici, donc, Blaise Pascal condamne l’agnosticisme tout autant. Sans aucun argument, tout autant.
2/ Autre erreur je crois : « ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder, à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, et l’infini à gagner. » Une part de ce faux argumentaire conduirait à se ruiner au loto compulsivement : pour gagner le gros lot (quasi infini), jouer tout ce qu’on a (fini en comparaison) ; certes, les chances de gagner le gros lot sont bien moindres que celles de perdre, mais a) en version française 2020, le loto contient un numéro de la chance donnant une chance pas du tout infinitésimale d’être remboursé de la mise ; b) il n’y a pas une chance sur deux que Dieu existe ou qu’il n’existe pas, cela n’est qu’une estimation a priori avant aucune enquête, alors qu’après réflexion et études, on peut trouver cent mille raisons de croire que les textes sacrés bibliques sont menteurs, quand rien ne garantit leur véracité, cela ramène donc à la situation du loto, avec presque infiniment moins de chances de gagner que de perdre.
3/ « en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement, même cela vous fera croire et vous abêtira. (…) Oh, ce discours me transporte, me ravit, etc. » Il est totalement faux que la messe et l’eau bénite fait croire un sceptique lucide ; c’est parce qu’il y a d’abord abêtissement que l’individu perd l’intelligence critique et s’avère une proie pour toutes les affirmations appelant sa crédulité béate, stupide, pouvant adorer eau dite bénite et bla-bla dit messe, pouvant adorer le racisme pro-juif anti-goy, etc. Je suis choqué, pas enthousiaste, non, pas du tout.

Ajout 14/08/2020 : Réexpression
  A la réflexion, mon contre-argumentaire n’était pas très clair, je pense. Le point majeur me semble être que je dénie totalement que « si Dieu existe, alors croire en lui garantit Paradis éternel ». Au Loto, il est totalement garanti que si on a les bons numéros, on touchera la somme annoncée (ou partagée entre gagnants), alors que pour la croyance en Dieu, absolument rien n’est garanti absolument, c’est une autre croyance qui tend à dire que « si on croit en Dieu, alors on obtient telle récompense ». Là encore, j’imagine l’équivalent avec la secte d’un escroc : 1/ « ceux qui ont cru en ma divinité ont tous gagné mille milliards d’euros », croyez-le ; 2/ « croyez en moi, vous aujourd’hui et demain, et vous gagnerez alors automatiquement mille milliards d’euros (si je suis divin) » ; 3/ pour attester de votre foi en moi, donnez-moi tout votre argent. Même sans étape 3 caricaturale, l’étape 2 n’est pas probante sans l’étape 1, plus que douteuse et intervenant véritablement dans le calcul de probabilité conditionnelle aboutissant au gain éventuel.