Proust cassé

Proust nul prétentieux
Démolition d’une idole
par Reu Négah, 07-08/07/2019

ajout : V.Hugo

   J’ai été amené à lire un petit livre de textes prétendus philosophiques (« Autrui », éditions Hatier), et l’un d’eux était une longue citation de Marcel Proust. J’ai trouvé ça très très mauvais, puant de fausse prétention, alors qu’on m’avait toujours dit que Proust était un immense auteur, génial, fabuleux (et j’avais été abondamment félicité – dit « digne de publication » par la professeure de littérature Madame Bories, quand j’avais fait une explication de texte de Proust, sur le dépit amoureux, en classe de 1e à l’âge de 15 ans et demi, peu après mon premier suicide, romantique).
   Idéalement, je citerais ici le texte que je vais critiquer, pour que le lecteur (autre que moi) puisse juger indépendamment de ce que je dis, mais la loi l’interdit peut-être (ou : très vraisemblablement), pourchassant férocement les citations classées « pirates », de manière aberrante mais imposée dictatorialement (au nom de la liberté bien sûr, le blabla ne craignant nullement l’autocontradiction).

   « [La communication des consciences par l’art, M.Proust (1871-1922)]
   La grandeur de l’art véritable (…) c’était (…) de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons (…) La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. Cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. (…) l’écrivain (…) Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. (…) Rembrandt ou Ver Meer (…)
».

  Personnellement, je juge que ce texte prétendu grandiose et supérieurement intelligent est une merde stupide, prétentieuse totalement à tort (méritant note 02/20 en copie de philo au Bac, par exemple – je veux dire « Bac façon 1981 que j’ai passé », certes pas Bac actuel « à la 80% Jospin » où la note de 20/20 répond à tout écrit à phrases à peu près équilibrées sans trop de fautes d’orthographe).
1/ Ça parle de « l’écrivain » en chiant sur la multitude de gens qui écrivent leurs rêves ou souvenirs sans être pistonnés par le monde éditorial. Avoir le titre professionnel d’écrivain n’est qu’un concours de circonstances, compte tenu de l’ambition et du refus de gagner sa vie en servant un employeur comme tout le monde. Ça n’a aucun rapport avec le concept d’artiste créateur de beau indubitable. Par ailleurs, plein de choses écrites par de prétendus écrivains me paraissent totalement dénuées d’intérêt, ou ennuyantes, déplaisantes, nulles, que les gens les ayant écrites se prétendent artistes donc admirables me parait puant de suffisance, fierté abusive.
2/ Philosophiquement, c’est aussi idiot : ça affirme une réalité alors qu’aucune réalité n’est prouvée, je l’ai démontré en quelques centaines de pages, mais pour cela il faut réfléchir au lieu de dire n’importe quoi en agitant les lieux communs stupides. D’ailleurs, affirmer plus loin que la seule Réalité est littéraire, tellement plus réelle que la vie matérielle vécue, ça ressemble à du blabla n’importe comment, pour choquer ou « faire original » en employant un contresens sans intérêt sérieux aucun. Oui, la vie apparemment matérielle peut être onirique si je suis en train de rêver, mais l’imagination de lecteur se faisant des images mentales n’a rien de supérieure en vérité. Enfin, il n’est pas du tout exact que l’art seulement donne accès à ce que nous ne voyons pas directement : la parole d’une commère racontant ses aventures familiales est de la même nature que le blabla de prétendu écrivain, les mille photos effectuées par un bof’ mitraillant bêtement n’importe quoi sont aussi porteuses de neuf (pour autrui pas présent où/quand ont été prises les photos) que les toiles de prétendus maîtres immenses en peinture créatrice. Enfin, pour le sujet de ce livre, « autrui », c’est totalement nul, dénué de réflexion : cette prétendue rencontre d’autrui à travers l’art n’est en rien établie – dans un rêve, je vois des photos et des tableaux non produits directement par moi-même (le moi vécu) mais pas davantage produit par un autrui existant, seulement inventés indirectement par moi-même (le moi-qui-rêve), bref le solipsisme (autrui n’existe pas) pourrait avoir entièrement raison, sans que ce soit prouvé, et ce blabla autosatisfait sur l’art n’a rigoureusement en rien fait avancer le débat, qui semble rester insoluble (pour les lecteurs disposant d’intelligence critique, à la différence de ce prétentieux « écrivain artiste »).
3/ Proust se pose dans ce texte-ci en « écrivain » donnant ce qu’il veut au lecteur muet, en escomptant des éloges admiratifs. Sans imaginer être contesté point par point, sur les questions où il peut être fautif. C’est comme un professeur supérieur délivrant un cours magistral, à applaudir servilement, sans imaginer en rien qu’il y ait débat avec de très solides arguments contre sa position à lui, décisifs. C’est puant de mépris injustifié, envers le lecteur. C’est certes cohérent avec le fait sociologique que ces prétendus artistes constituent une fausse élite, lamentable intrinsèquement mais vénérée par les puissants et enseignants, complices.

   L’école est lamentable, en faisant applaudir des célébrités dénuées de pertinence, mais c’est comme cela que ça se passe, dans l’usine à moutons décérébrés qu’est l’école (publique française, tout au moins). Qu'elle s'auto-glorifie en parlant de "connaissance", "savoir", "formation à la pensée" est pitoyable.

----------- (Ajout 26/10/2019) Autre moche « à applaudir » sur commande scolaire
   Dans ma petite ville, dans une vitrine de magasin où je ne suis jamais entré, était glorieusement affiché un vieux poème de célébrité littéraire, comme pour causer entre gens cultivés à l’intérieur, et le contenu me déplaisait, personnellement. Je le trouve maintenant sur Internet, et apparemment c’était récemment un texte à commenter au Bac de Français ( https://www.bacdefrancais.net/fonction_poete_hugo.php#texte ). Moi je vais aussi le commenter, mais différemment, négativement, sans roucouler des louanges comme apprend à le faire le lycée. Ce texte vient d’une immense célébrité encore, Victor Hugo, prétendu chef de file du romantisme, c’est un « poème » de 5 fois 10 vers de 8 pieds.
   Je vais citer quelques mots (moins de 300 mots, attention aux procès pour vol de « propriété intellectuelle »/copie illégale, avec les lois pourries pondues par les législateurs, ne représentant presque en rien le peuple mais c’est un autre sujet).
1/ « La Fonction du poète (…) Chacun travaille et chacun sert (…) le peuple agité ! Honte au penseur (…) chanteur inutile »
--> Non. Un penseur ou chanteur peut parfaitement l’être à titre de loisir, après les heures de travail utile/méritoire/payé (avant d’être mis en invalidité à l’âge de 55 ans, j’ai ainsi été un étudiant-scientifique/écrivain-amateur puis technicien-laborantin/maquettiste-amateur/dessinateur-amateur/philosophe-amateur). Dans ce texte au contraire, le monde semble partagé entre de (vils ?) serviteurs/travailleurs agités et un (supérieur ?) chanteur/penseur jugé inutile, à tort selon ce « poème » ou cette thèse qui prétend voir là une fonction très majeure. Cette « fonction » est donc affirmée (sans argument aucun, à ce stade) comme un grand service, donc payable/méritant salaire ou récompense, via professionnalisation. De la part d’un littéraire vivant de ses écrits, c’est un plaidoyer pro domo, a priori suspect, douteux, puisque financièrement intéressé. Et ça casse tout à la beauté prétendue : ces mots ne sont pas « pure recherche de beauté » mais « quête de fric »…
2/ « Le poète (…) Vient préparer des jours meilleurs. Il est l'homme des utopies (…) Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue (…) Faire flamboyer l'avenir ! »
--> Non. La prospective ou l’élaboration de projet ambitieux (peut-être peu réaliste) pour tous n’est pas liée au mode poétique d’expression, avec phrases courtes formatées et rimes. Jongler avec les mots avec prétendue adresse n’est pas le sujet quand c’est le sens profond qui importe. Inventer/développer/discuter des utopies incombe bien davantage à des tâches d’essayiste, politicien, technocrate, philosophe, etc.
3/ « Il voit, quand les peuples végètent ! »
--> Non. Jongler avec les mots n’a aucun rapport avec une analyse clairvoyante. Au contraire : se centrer sur la forme tend à faire oublier le fond.
4/ « Ses rêves, toujours pleins d'amour »
--> Non. De « prétendus artistes », « prétendus poètes », modernes, sont des rappeurs s’amusant à agiter la haine de manière interdite à tous sauf « liberté artistique », appelant à tuer-le-flic-sol-fa-mi-ré-do, égorger-le-sale-bébé-blanc-do-mi-sol-fa… Non, en « poésie » comme ailleurs, l’amour est une voie possible mais pas « toujours » présent par principe.
5/ « On le raille. Qu'importe ! il pense. (…) Ce que la foule n'entend pas. Il plaint ses contempteurs frivoles ; »
--> Non. La frivolité me semble dans le jonglage avec les mots au lieu d’aller droit à ce qu’il y a à dire, de grave, avec les risques de guerre, de révolution, de désastre naturel ou autre. En expliquant au mieux pour faire comprendre, en prenant en compte les objections, les réserves, les doutes, le nombre de pieds et les rimes sont totalement hors sujet.
6/ « Peuples ! écoutez le poète ! Ecoutez le rêveur sacré ! (…) Lui seul a le front éclairé. (…) Lui seul distingue »
--> Non, ce scribouillard-là, s’affirmant sacré et seul lucide, parait immensément présomptueux. Pire : il n’a jusqu’ici donné aucun élément pour justifier l’importance qu’il s’auto-attribue, de manière semble-t-il abusive. [En première lecture, la conclusion semblait « à suivre », mais en relecture, il faut convenir que c’est négatif : à part se clamer supérieurement estimable, ce sale type n’en donne aucune espèce de justification convaincante.]
7/ « Dieu parle à voix basse à son âme »
--> Non. Pour les incroyants, que le poète s’estime investi de mission divine (dite « à voix basse » puisque sans témoin puisque Dieu n’existe pas) le classe en sale type mythomane, avec complexe de supériorité (infondé, maladif). Pour les croyants judéo-chrétiens, affirmer que chaque poète – y compris musulman, animiste, athée, etc. – est un prophète parait totalement contraire aux Ecritures, donc s’avère hérétique et prétentieux, donc diabolique (?).
8/ « C'est lui qui (…) Marche (…) Ramassant la tradition. De la tradition féconde (…) Tout ce que le ciel peut bénir. (…) A pour feuillage l'avenir. »
--> Non. La tradition peut être horrible, comme l’esclavage, le droit de cuissage, la guerre tribale, etc. Le poète agite de grands mots n’importe comment au lieu de réfléchir avec intelligence critique, ce ne serait pas grave si c’était humble et ludique, mais ici c’est avec des prétentions colossales, imméritées. Quant à l’avenir, il parait davantage prédit par les scientifiques (sociologues, économistes, biochimistes et informaticiens, technocrates) ou philosophes/polémistes que par les poètes jonglant avec les rimes et les strophes, pour parler de fleurs ou nuages ou sentiments-nombrilistes, sans but utile exigé.
9/ « Il rayonne ! (…) Sur l'éternelle vérité ! (…) Il la fait resplendir pour l'âme D'une merveilleuse clarté. Il inonde de sa lumière »
--> Non. Toute vérité est douteuse. Même 2+2 = 4 est relatif au choix contestable de signification des codes et au mode de calcul (ici ; addition sans antagonisme ni synergie). Par ailleurs, que cet auteur s’auto-félicite sans demander l’avis au lecteur en fait un sale type déplaisant, méprisant autrui à tort, totalement.
10/ « Car la poésie est l'étoile Qui mène à Dieu rois et pasteurs ! »
--> Non. S’adresser exclusivement aux leaders insulte à tort le « bas peuple », en fait bien plus lucide que ce sale type s’affirmant supérieur sans raison aucune. Quant à la prétention divine, auto-clamée, elle est prétentieuse, vaniteuse, pas convaincante du tout. Mais certes, un littéraire est normalement nul en logique, il ne fait que déclamer n’importe quoi avec emphase, sans soumission à l’épreuve objective que connaissent les élèves scientifiques, familiers avec l’invalidation des prétentions usurpées (fausses « lois » démenties, etc.).
  Bilan :
– Ce sale type faussement supérieur, se la jouant mâle alpha dominateur (et sans force physique ni intellectuelle, ne faisant que claironner sa prétendue supériorité, pour impressionner les femelles crédules ?), ne mérite en rien le label de « romantique ».
– Ce prétendu « poème » n’est nullement « beau » à mon goût, mais au contraire choquant, repoussant, désagréable, ce n’est pas de l’art, ce n’est pas méritoire, et cela est donc contradictoire avec le propos tenu, puisque pondre des trucs pareils ne devrait pas dispenser du travail (sauf piston phénoménal, injuste – certes requis des dominants à la fin, c’est un petit peu logique en ce sens, et très moche).
– La thèse mal développée dans ce poème a une force argumentaire environ nulle, peut-être négative (conduisant à maudire les prétendus poètes au lieu de les applaudir). Il se trouve que, personnellement, je détestais la poésie jusqu’à 14 ans, la voyant comme « chose chiante à apprendre par cœur pour récitation », puis j’ai été émerveillé par quelques vers du poète surréaliste Paul Eluard (tendres et/ou absurdes jolis), et ça n’a rigoureusement rien à voir avec une prédiction de l’avenir et révélation de vérité éternelle. Hugo se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Sa célébrité est totalement usurpée, au vu de ce texte-ci (s’il a fait mille fois mieux, ça ne signifie pas qu’il faut glorifier n’importe quoi signé de sa main – mais certes, les snobs évaluent la valeur d’un gribouillis signé Picasso en milliards d’Euros…).
– L’école (publique française) classant Victor Hugo en « incontestable grand homme », voire « l’un des tout plus grands parmi les plus grands » se confirme être une entreprise de lavage de cerveau. Mutilant l’intelligence critique. Pour générer des moutons humbles soumis, oui, c’est compréhensible, du point de vue des dominants, simplement horribles en matière d’honnêteté, intellectuelle et morale,