Faire semblant d’oser fâcher
Dénoncer un slogan menteur, faussement irrévérent
27/11/2019 par Tiq Ulaire

L'accroche
  Sur une chaîne d’information en continu (LCI ?), j’ai vu le célèbre journaliste (ancien « présentateur du 20 heures ») David Pujadas vanter son émission-débat à lui avec le mot attirant « faites-vous une opinion, en entendant toutes les idées, même celles qui fâchent ». Ça me semblait très intéressant, comme sortant enfin de la pensée unique (pour l’avortement, contre la peine de mort, pour la république représentative, pour le Sénat à suffrage indirect, pour le financement public des partis politiques, pour le scientisme, pour le féminisme, pour l’échangisme, pour le Giec, pour Israël et les USA, pour les religions du Livre, contre le référendum d’initiative populaire, pour les « avantages » fonctionnaires, pour les syndicats, pour les droits de véto ONU, pour la souveraineté nationale ou européenne, contre l’abolition des frontières, pour les opérations militaires extérieures, pour l'hymne La Marseillaise, contre la taxation à 99% du capital, pour le surpaiement de la position chef, pour la grève, contre le relativisme, etc. ?). A voir, effectivement, pensais-je, à confirmer.
La déception en 2 temps
   En fait, j’ai regardé une fois et c’est très très décevant, sans mot osé particulier, le débat étant là comme ailleurs limité aux moutons pensant « comme il faut » (prétendument).
   Toutefois j’ai eu écho d’une chroniqueuse/journaliste ayant dit dans cette émission deux mots vraiment inhabituels, et que son employeur (médiatique ?) a sanctionné après cela, car il ne faut pas oser dire des choses pareilles – ce qui aboutira à ne plu’ jamais oser dire ce qui fâche, par souci de conserver son emploi (ou temps d’antenne). Je crois me souvenir (d’après l’extrait que j’ai aperçu) qu’elle osait dire ceci :
1/ Telle mère de famille seule se plaint de ne pas réussir à vivre avec un petit Smic, mais comment en est-elle arrivée là ? est-ce qu’elle n’a rien fait à l’école, préférant faignanter que bosser ? C’est sa faute à elle, elle ne devrait pas accuser autrui de ne pas la payer/assister suffisamment.
2/ Telle mère de deux enfants divorcée crie qu’elle ne peut pas finir le mois, mais elle aurait mieux fait de se demander : quand on ne peut pas y arriver seule, est-ce qu’on peut se permettre de divorcer ?
Débattre vraiment
   Je ne prétends absolument pas que les mots de cette dame courageuse représentent ma pensée à moi, mais je trouve très utile/bénéfique qu’ils aient été énoncés, et je trouve scandaleuse leur punition au nom de la bienséance ou quoi, enterrant définitivement la liberté d’opinion dans ce pays.
   Ceci dit, ces deux pensées m’auraient paru immensément intéressantes à débattre, et pas seulement avec le misérabilisme de la pensée unique, faisant semblant de plaindre les humbles, mais avec moi-même, anormal aussi comme la dame ayant osé dire ces mots :
1’/ Ce que vous venez de dire, madame, serait judicieux peut-être si l’école était honnête, estimable. Mais elle ne l’est pas, même si elle m’a hautement félicité (Bac Maths-Physique mention très bien à une époque où moins de 1% des candidats l’obtenaient parmi les 2% d’une classe d’âge parvenant à cette Terminale la plus huppée de toutes). Enfin, j’étais à moitié endormi sous cachets débilitants, suite à une tentative de suicide (pour drame romantique), mais je l’ai démontré après coup : cette école est hyper-stupide, punissant les esprits logiques et l’intelligence critique ou inventive pour élire les moutons réciteurs et adorateurs de célébrités convenues. Donc non, réussir scolairement n’est en rien un mérite. Et non, rejeter cette scolarité ne prouve en rien une fainéantise, intellectuelle et autre, cela peut au contraire être une rare lucidité, une rare cohérence, une rare moralité, bref : un mieux que les autres.
2'a/ Madame, vous semblez ignorer que certaines femmes divorcent, non pour s’envoyer en l’air avec un autre homme ou plein d’autres, mais pour fuir les coups ou autres brimades/humiliations. Ce n’est pas simple, il ne faut pas être simpliste. Ceci dit, oui il y aurait beaucoup à débattre pour savoir pourquoi plein de femmes choisissent des hommes méchants, dit « virils », et il faudrait peut-être tout repenser aux valeurs enseignées ou inculquées, tant avec le culte sportif moderne (champion écraseur des faibles), qu’avec le conte ancien du Prince Charmant (armé et oisif, dominateur).
2'b/ Madame, « ne pas y arriver » traduit que les revenus sont inférieurs aux dépenses mais ces dépenses me semblent à questionner sur deux points avant de les considérer obligatoires :
- Personnel : n’a-t-on pas cédé à tort aux injonctions de la publicité menteuse, poussant à consommer (et payer cette publicité) pour rien en fait. En examinant ligne à ligne l’intégralité des dépenses de cette personne, tout a-t-il un caractère vital ou est-ce de l’autrefois-luxe maintenant habituel, à tort s’il y a carence en financement ?
- Global : notre société devrait remettre en question la publicité gaspilleuse et (ce qui va avec :) le dogme sur la croissance obligatoire éternelle, sur le capitalisme inégalitaire exploiteur, sur la légitimité des prix libres fixés par rentiers oisifs et commerçants/intermédiaires non producteurs (aux dépens des producteurs et utilisateurs finaux).
  Bref, « ne pas y arriver » devrait susciter d’immenses réflexions, très osées, bousculant le train-train voulu par ceux qui tirent les ficelles à leur riche profit. Ça, ce serait oser.
Sombre bilan
   Oui, comme annoncé, oser aborder les idées qui fâchent serait enfin passionnant, mais ça ne semble pas permis à la télévision, avec cette émission comme les autres.
Post-Scriptum : philosophiquement, je ne suis pas réaliste mais sceptique, je ne garantis pas que ce souvenir d’émission et extrait/sanction soit La Vérité Vraie, c’est peut-être un rêve de ma part, la nuit passée, ça n’en reste pas moins intéressant à signaler, comme possible.