Démolition de la démonstration pour le libre-échange
(casser David Ricardo du 18e siècle)
par Taj et Kitable
dernier ajout

  Dans l’intéressant livre étasunien Economix, 4e édition (2019), on peut être dérouté par la démonstration, difficile, des vertus du libre-échange entre pays. Ça me semble un paradoxe sans doute faux quelque part (sans miracle Gagnant-Gagnant), et il peut être intéressant de regarder avec attention pour essayer de le « casser » mathématiquement, et tant mieux si ça détruit le pilier du capitalisme mondial exploiteur des faibles.

Lecture
  Le principe est le suivant : si le Portugal fabrique facilement du vin et difficilement des vêtements, tandis que l’Angleterre fabrique facilement des vêtements et difficilement du vin, il y aura bien sûr échange de vin portugais contre vêtements anglais, mais… la prouesse de Ricardo est de prouver bénéfique à titre réciproque l’échange même si un pays est moins productif dans tous les domaines. En Angleterre, un homme produit 2 unités de vin ou 4 unités de vêtements ; au Portugal, un homme produit 4 unités de vin ou 6 unités de vêtements ; l’Angleterre affecte 100 hommes produisant du vin (200 unités) à la fabrique de vêtements (400 unités), et elle en envoie 380 au Portugal ; le Portugal affecte 60 hommes qui fabriquaient des vêtements (360 unités) à la fabrication de vin (240 unités) et il en envoie 220 en Angleterre. Bilan : dans l’échange, l’Angleterre a gagné 20 unités de vin (en plus des 20 unités de vêtements qu’elle a gardées), le Portugal a gagné 20 unités de vêtements (en plus des 20 unités de vin qu’il a gardé).
  Conséquence : a) bénéfice réciproque ; b) gain équilibré entre les parties
  C’est incroyable en première lecture, mais n’est-ce pas lié à un choix hyper-particulier des valeurs 2 ; 4 ; 4 ; 6 ; 100 ; 60 ? Est-ce généralisable à toutes valeurs ? Et pourquoi 380/400 fait-il 19/20 (95%) tandis que 220/240 fait 11/12 (91,7%) sans règle commune de taux de production exportée ?
  Enfin, en pratique, c’est un peu faux car l’échange implique transport qui requiert des hommes et pas zéro (et en terme moderne on dirait aussi : le transport à l’étranger est polluant donc mauvais pour la planète), mais bref, le paradoxe initial n’en reste pas moins troublant.

Simplification
  Pour poser la question en termes modernes, je dirais : en France, un Euro de salaire produit 1 (litre de) jouet ou 2 (litres d’) avions ; en Chine, un Euro de salaire produit 2 (litres de) jouets ou 3 (litres d’) avions. La France affecte 5 Euros de production de jouets (5 jouets) en productions d’avions (10 avions) et il en donne 9,5 à la Chine ; la Chine affecte 3 Euros de production d’avions (9 avions) en production de jouets (6 jouets) et en donne 5,5 à la France. Dans l’échange, la France a gagné +0,5 jouet (en plus de garder 0,5 avion) et la Chine a gagné 0,5 avion (en plus de garder 0,5 jouet). Ça respecte entièrement les conséquences a) et b).
  Il est un peu étonnant que chaque pays se focalise sur ce qu’il fait le plus « mal » (en petit nombre) mais continuons.

Tentative de généralisation
  Si la France envoie 91,7% de sa nouvelle production comme la Chine, qu’est-ce que ça donne ? Rien ne change pour les jouets mais la France gagne 0,83 avion quand la Chine gagne 0,17 avion, cela viole la conséquence b) qui n’était donc nullement générale mais liée à un choix hyper-précis des nombres employés, hum (comme pour faire accepter menteusement le principe avant de s’enrichir déloyalement ensuite).
  Si la Chine envoie 95% de sa nouvelle production comme la France, qu’est-ce que ça donne ? Rien ne change pour les avions mais la France gagne 0,7 jouet quand la Chine gagne 0,3 jouet, cela viole encore b) mais étonnamment pas en sens inverse, à nouveau au profit de la France qui avait fait la démonstration de prétendue égalité (pas vérifiée si les chiffres bougent à peine), ça sent l’entourloupe à plein nez.
  Enfin, un calcul pourrait être ajusté chaque fois pour aboutir à l’équilibre, d’accord.

Elément d’explication du paradoxe
  Du point de vue Chine, le gain est évident : ils sont bien plus productifs mais ils échangent 3 Euros à eux contre 5 Euros de France, évidemment qu’ils y gagnent.
  Du point de vue France, c’est moins clair car si 5 Euros avait été investi en achat de produits Chinois ça aurait rapporté bien plus que les 3 Euros que les Chinois ont mis dans cet échange.
  Tout repose donc sur l’inégalité des Euros investis dans l’échange (différence 100 hommes/60 hommes de Ricardo, chiffres tombés du ciel sans justification ni analyse). Et c’est là que s’effondre la modélisation, car les Chinois ne paient pas en Euros mais en monnaie locale, et la différence de force des monnaies change absolument tout. Même avec la monnaie unique Euro (dans la zone Euro), il n’y a pas du tout corrélation entre le rapport Euro/homme selon les pays : le SMIC Français est deux fois plus fort que le salaire minimum irlandais ou autre. Si 1 Euro de France vaut 50 Euros de Chine, effectivement ça restaure l’avantage pour la France, mais ça n’a rien à voir avec cette modélisation paradoxale, c’est de l’injustice dominatrice triomphante.

Problème de relativité quantitative
  Dans l’exemple donné 1 jouet vaut 2 avions en France et 1,5 avions en Chine, est-ce du choix de ces valeurs (pas du tout générales) que vient l’apparent paradoxe ?
  Posons 1 jouet vaut 2 avions en Chine aussi (remplacer 1 ; 2 ; 2 ; 3 par 1 ; 2 ; 2 ; 4), et… le bilan tombe à -2,5 avions pour la Chine, le paradoxe gagnant-gagnant a disparu ! En fait, il s’agissait de profiter du différentiel « 1 jouet vaut plus d’avions » en Chine qu’en France, donc on leur donne quelques avions et on empoche la différence en jouets (pour eux sans grande valeur, pour nous de bien plus grande valeur – et eux changent leurs jouets sans grande valeur contre des avions qui ont plus de valeur relative pour eux que pour nous). C’est jouer sur les changes différentiels, ça n’a rien à voir avec une généralité que l’échange favoriserait toujours les deux parties. La démonstration est invalidée !
  En clair, cela revient à emmener ses produits banaux qui sont précieux ailleurs à l’étranger, les échanger là-bas contre ce qui est banal là-bas mais précieux chez nous, et ramener ça. Ça n’a aucun rapport avec des échanges usuels à bénéfice réciproque, c’est de la spéculation. Il est totalement faux de dire que cela prouve que les échanges sont toujours bénéfiques et gagnent toujours à remplacer les productions locales. Contresens. CQFD (de mon point de vue).


************************************************* AJOUT 22/04/2019 (DISCUSSION) **************************
  Un ami m’informe que je n’ai nullement invalidé le capitalisme car celui-ci peut se concevoir à l’intérieur d’un pays sans échange entre pays. J’ai répondu qu’effectivement, je n’ai invalidé que la forme dominante de capitalisme (libre-échangiste), pas tout capitalisme. De ce côté, l’erreur du capitalisme me semble être le présupposé (étasunien ? protestant ou israélite ?) que chacun veut gagner un maximum de fric, ce qui est faux, spécifique des ambitieux cupides, en oubliant les partageurs, les humbles volontaires (prêtres ouvriers et autres utopistes ou « prophètes »), les poètes non matérialistes, les suicidés sociaux (comme je l’ai été, premier de la classe rejeté par la jolie dernière de la classe). Certes, le suicide est classé « maladie mentale » (à ne pas prendre en compte) mais je juge cela totalement abusif, erroné, à mon sens il s’agit d’auto-euthanasie en situation de souffrance qui me semblait la normale existence.
  Par ailleurs, en dehors du texte d’Economix abordant la thèse de Ricardo, pages 38-39 (voire -40) du livre Economix, ce sujet est re-mentionné dans l’ajout pages 322-324 (après la fin de 1e édition page 301). Ça confirme avec des chiffres différents et sans l’apparente conclusion b) qui était effectivement « pas du tout générale » : (avec islande/guatémala et banane/poisson)

  Et le livre, raisonnant en hommes et pas en valeurs, indique une invalidation aussi : il y a davantage à gagner pour le financier de i à délocaliser la production en g plutôt que d’employer en i et procéder à un échange (d’où, en vrai, fortune du financier i et misère du producteur i). C’est effectivement la situation de l’Occident moderne (qui n’est plu’ au XVIIIe siècle de Ricardo), les seules solutions envisagées pour éviter la ruine de l’Occident étant soit des droits de douane colossaux sur les importations (nationalistes « le pen/trump »), soit le luxe effréné des financiers ici employant les gens ici à leurs caprices (libéraux « macron/reagan »). J’ai inventé une 3e solution (démocronde humbiliste), n’intéressant personne ici : 1/ abroger les frontières à la circulation des personnes, et les asiatiques/africains/latinos viendront partager le luxe (et rendement tranquille) occidental qu’ils dilueront et qui disparaitra. Pour une humanité enfin unie sans plu’ de tribalisme. 2/ classer « fortune indue » l’enrichissement financier sans travail de peine, à ne plu’ protéger par la police (et police privée à classer illégale, condamnée), d’où exploitation des travailleurs disparue. Le capitalisme moteur de scandale inégalitaire serait disparu. Ça n’intéresse personne ? D’accord, mais alors : je me désintéresse des cris parlant d’injustice (refusant la solution) : les crieurs ne sont pas des justes partageurs mais des jaloux voulant l’inégalité à leur profit (en écrasant les semi-esclaves d’Asie).