Dans l’excellent livre « Mon cabinet de curiosités mathématiques », de Ian Stewart, est mentionné le problème d’une loi qui n’a jamais été démontrée : pour colorier une carte de régions, avec COULEUR DIFFÉRENTE ENTRE RÉGIONS JOINTIVES, il suffit de 4 couleurs.
Un exemple illustré est donné, et des travaux illustres, ultra-complexes et multicentennaires, sont mentionnés.
Mais je vais essayer de reprendre la question à zéro. Ce qu’il y a de rigolo dans les Maths, c’est de redécouvrir, pas d’applaudir.
• Avec des formes carrées
Un échiquier de carrés peut se contenter de 2 couleurs.
Si on envisage un décalage, il faut une troisième couleur, le nouveau carré longeant à la fois les deux autres.
Evidemment, une forme peut toucher les trois autres, que ce soit à l’intérieur à la jonction, ou à l’extérieur entourant les trois.
Il semble à première vue possible qu’une cinquième zone touche toutes les autres, requérant une cinquième couleur.
Mais c’est une illusion, car on peut recolorier avec seulement 4 couleurs, non jointives.
• Avec des secteurs de cercle
(Pour l’échiquier, l’effleurement en 1 point, coin, n’était pas considéré comme zones jointives, il en est de même pour les arcs de cercle :) l’effleurement au point central pourrait justifier une infinité de couleurs – si un cercle est tronqué en mille secteurs, leur point central commun requerrait mille couleurs différentes. Ici, c’est exclu, d’accord. La réflexion se situe en aval de ce parti-pris.
La base élémentaire est qu’un ensemble de secteurs de cercle est coloriable par 2 couleurs s’il y a un nombre pair de secteurs, 3 couleurs s’il y a un nombre impair.
Toutefois, comme avec les carrés, on peut nécessiter une quatrième couleur avec un cercle inclus ou autour.
Une cinquième zone touchant les autres paraît ajoutable.
Mais il s’agit d’une illusion, comme le montre la recoloration.
• En marche vers la résolution
En y regardant de plus près, on voit que si la 5e couleur n’est pas nécessaire, c’est que, en reliant la 1e et 3e couleur, tout en touchant la 4e, on a nécessairement « fermé » la 1e couleur, l’empêchant de toucher la 4e, donc 1e et 4e peuvent être identiques, faisant retomber le total de 5 à 4.
Il est évident que ça aurait été différent avec une troisième dimension, faisant passer du plan à l’espace, en autorisant les liaisons sans « fermer » de couleur.
On peut ajouter d’autres anneaux similaires, mais deux couleurs suffisent, puisque on peut les alterner pareillement sur cet axe.
La loi des 4 couleurs est donc enfreinte dans l’espace où on a besoin de 6 couleurs. L’analogie avec les 6 faces du dé est trompeuse : 3 couleurs suffisent pour les faces opposées d’un cube.
Toutefois, si on inclut ce cube au centre d’un grand cube de 3 autres couleurs (à couleurs focalisées vers le centre), cela fait bien 6 couleurs.
Donc la loi sur les 4 couleurs n’est valide que pour les plans, et il y a toute une gradation :
– 1 dimension (ligne) : 2 couleurs
– 2 dimensions (plan) : 4 couleurs
– 3 dimensions (espace) : 6 couleurs
Donc, c’est finalement simple, le nombre de couleurs minimum nécessaire à toutes les possibilités de formes est le nombre de dimensions multiplié par 2. En quelque sorte (et même si c’est bien plus compliqué dans le détail) il faut alterner des couleurs (type oui/non) selon chaque dimension.
• Reprise à zéro
Voyant où on ira, on peut envisager une démarche systématisée.
– 1 dimension :
Partant d’un point s’étend une ligne, et il est clair que pour différencier des segments : deux couleurs suffisent. Si on recouvre une jonction (point) par un autre segment, de 3e couleur, l’ensemble est recoloriable en 2 couleurs :
– 2 dimensions :
Partant d’une ligne s’étend une surface, et il est clair que pour différencier des surfaces, la base est deux couleurs. Si on recouvre une jonction (ligne, éventuellement courbe ou brisée) par une autre surface, celle-ci est coloriable en 2 couleurs. Total : 4 couleurs.
– 3 dimensions :
Partant d’un plan s’étend un espace, il est clair que pour différencier des volumes, la base est 4 couleurs. Si on recouvre une jonction (plan, éventuellement courbe ou brisé) par un autre volume, celui-ci est coloriable en 2 couleurs. Total : 6 couleurs.
Je détaille ci-après d’autres points d’intérêt majeur dans ce livre « Mon cabinet de curiosités mathématiques », au-delà de l’aspect récréatif. Il s’agit de 7 points que j’ai personnellement trouvés instructifs ou choquants, mais il y a évidemment bien davantage dans les 374 pages (et 178 chapitres) du livre. Un jour, je me promets de chercher à retrouver le lien entre nombre d'or et configuration icosaédrique (ici mentionné page 206: volume = un sixième de racine de 5 fois nombre d'or au carré fois la taille d'arête au cube)...
• Solution pour démontrer Pythagore (page 62)
J’ai appris comme chacun à l’école primaire que « dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des côtés de l’angle droit ». J’ai eu des très bonnes notes pour l’avoir appliqué parfaitement, en déjouant tous les pièges et codages textuels, mais à la réflexion, je me juge avoir été un mouton stupide. J’aurais dû dire à l’instituteur : « j’y crois pas, prouvez-le ». Et je pense qu’il en aurait été incapable, qu’il usurpait totalement son autorité, au sens mathématique du terme, même s’il se comportait en parent, avec carotte et bâton (bonnes notes/félicitations, mauvaises notes/réprimandes). Je ne sais pas comment je ferai quand je serai parent, mais je regrette en tout cas infiniment que ma copine imaginaire Patricia ait été classée « handicapée mentale » pour avoir intelligemment résisté à cette dictature abrutissante. Ici Ian Stewart ne démontre pas le théorême de Pythagore mais donne trois pistes différentes pour le démontrer soi-même. Je trouve ça lumineux, fantastique, c’est un appel à l’intelligence créative et organisationnelle au lieu du broiement scolaire de l’intelligence critique (écrasement qui fait les « bons soldats », les « bons électeurs déléguant le pouvoir », qui a fait atrocement les « disciplinés nazis » – ou zélés exécutants de la Nakba en sens inverse, ce que notre « autorité » interdit de dire). Je ne suis pas d’accord avec les enseignants que j’ai eu, je préfère ici Monsieur Stewart.
J’en reviens à Pythagore : trois schémas sont posés sans explication, et l’un d’eux m’a paru « lumineux » :
Effectivement, quand on parle de carré de l’hypoténuse, on parle de la figure carrée qui a l’hypoténuse comme côté, qu’on peut entourer de 4 exemplaires du triangle source. Alors, en termes de surfaces : le grand carré formé des 5 figures donne selon 2 approches distinctes (P+G)²=4x+H² où x est la surface du triangle source. Celui-ci étant la moitié du rectangle correspondant (de surface PG), cela fait, en développant : P²+G²+2PG=2PG+H² et ô miracle, il en découle directement H²=P²+G². Pourquoi ne m’a-t-on pas montré ça à l’école ?? Non, il s’agissait d’obéir, surtout pas de percevoir la logique, éclairant l’esprit au risque de contester l’autorité prétendue (avant de la reconnaître légitime).
Certes, avec le recul, j’irais chercher la petite bête : qu’est-ce qui prouve que cet agencement de 4 triangles définit un carré, et pas un losange ? Je me suis posé la question (intéressante et pas hérétique), et finalement… ça vient très simplement de la leçon disant que la somme des 3 angles d’un triangle fait 180°, donc si les petits angles a et b sont définis dans un triangle rectangle, c’est que leur somme et leur complémentaire font 90°, ce qui prouve ici le caractère carré de la figure à surface dite H², confirmée. Et pourquoi la somme des angles d’un triangle fait 180° ? On aurait dû nous l’expliquer aussi, avant, en prolongeant les côtés et montrant que, via une parallèle, la somme est bien égale à un angle plat.
Les mathématiques intelligentes sont possibles, c’est merveilleux. Ce n’est pas ce que j’ai connu à l’école hélas. Ça explique que le monde soit « dominé » par les meilleurs réciteurs (obéissant aux menteurs faisant autorité), pas du tout « éclairé » par des esprits lucides et honnêtes. Je plaide coupable, pour avoir été un tel mouton réciteur auréolé, avant de percevoir ma faute à partir de 15 ans. Faute avouée, faute pardonnée ?
• Désaccord total sur « la voiture volée » (pages 99+320)
Je résume ce problème en simplifiant les artifices : « P achète une voiture 900E, et veut la revendre 2900E (soit 2000E de bénéfice). L’acheteur V se trompe et marque sur son dernier chèque 3000E. P va échanger au magasin ami M le chèque contre du liquide, et rend 100E à V. Mais le chèque s’avère en bois, et M doit emprunter 3000E à L. P rembourse les 3000E pour M pour L, et déclare avoir perdu dans cette affaire 8100E = 2000+100+3000+3000. A-t-il raison ? » Et la réponse affirmée par Ian Stewart est « Non, il n’a perdu que 1000E=900+100, le reste s’annule ».
Je ne suis pas d’accord. OK pour L et M, qui reçoivent 3000 après avoir donné 3000 (le texte ne parle pas d’intérêt sur les prêts) ; V a lui gagné effectivement 1000E=100+900 (à supposer qu’il aurait pu acheter la voiture à l'ancien prix) et « gagné » des poursuites pour rembourser 3000E ; mais je ne suis pas d’accord pour dire que P n’a perdu que 1000E : tant que V n’a pas été retrouvé puis mis en demeure de rembourser les 3000E, ou s’il est insolvable et va en prison, P a perdu 4000E= 100+900+3000. S’il considère que cette affaire aurait dû lui apporter 2000E de bénéfice, la différence est même de 6000E. Ce n’est certes pas 8100, mais pas davantage 1000.
Ce n’est pas parce qu’un professeur clame détenir la solution d’un problème que je le crois : il importe de convaincre, pas à pas. L’autorité se mérite, et en mathématiques cette honnêteté me paraît rigoureusement obligatoire, par définition.
L’endoctrinement que nous avons subi à l’école (en mathématiques, orthographe, histoire) ne paraît pas tant idiot que calculé. Si j’avais été lucide, j’aurais émis à 7 ans l’objection que le bénéfice commercial semble indu à mon sens : cette voiture « valait » 900E et pas objectivement 2900E, je ne vois pas où est le mérite du spéculateur ainsi clamé légitime par la loi, c’est là du vol légal. Le voleur payant zéro est en faute morale d’accord (il n’a pas construit cette voiture ni extrait le minerai pour ses composants, et il doit donc payer quelque part avec un autre travail, via l’argent), mais le rebelle la prenant en ne payant que 901E au lieu des 2900E exigés serait compréhensible. « Il faut bien que chacun vive » n’est pas un argument : nul besoin de parasites spéculateurs sur Terre – une tâche de distribution est utile, effectivement payable au titre de service (accueil, explication, etc.), mais ne devrait pas être une source de fortune « sans rien faire » (entre 901E et 910E, ça se discute selon le contexte, mais 2900E, pas d’accord). Toutefois, si on a été mouliné à respecter l’autorité, la loi, on paye et on se tait, ou on n’achète pas et on est frustré par la publicité qui nous martèle que cet achat aurait fait notre bonheur. Ce monde marchand est puant, au service de la spéculation. Non, je ne suis pas d’accord, ce n’est pas ça « la bosse des Maths » (dite juive ou chinoise) : au sens respectable du terme, cette qualité est (à mon sens) exclusivement la cohérence, l’inventivité profitable à tous, la réponse aux objections argumentées. Ce n’est pas du tout hors sujet : comme l’instituteur disait qu’il faut respecter la loi mathématique imposée sans la discuter, sans comprendre soi-même, il faut respecter la loi civique imposée sans la discuter, sans comprendre soi-même. Même si elle profite à des pourris immoraux, d’où révolte se trompant de colère (en généralisant sans comprendre)… dans ce petit problème de comptage réside l’Histoire du monde humain, presque.
• Paradoxes logiques (page 78)
Le principe de non-contradiction s’avère bancal, effectivement. Je connaissais l’indécidabilité de la phrase « cette phrase est fausse » (reprise ici page 99) : si elle dit vrai alors elle est fausse ce qui est contradictoire, mais si elle dit faux alors elle est vraie ce qui est aussi contradictoire… Ici une variante amusante est donnée, que j’écrirai à ma manière sans la réserver aux « bons » réciteurs en orthographe : « IlH y aH cinqH fautHes dans cette phrase », qui comprend quatre fautes d’orthographe et une éventuelle faute de comptage : au départ on ne compte que 4 fautes d’orthographe, donc affirmer 5 fautes semble faux, mais alors cela fait un total de 5 fautes de tout type, et donc la phrase avait raison, mais si elle n’était pas fautive, le total des fautes était de quatre, donc elle serait fautive. Cercle contradictoire, joliment trouvé, bravo.
• Manque d’imagination (page 135+326)
Devinette de science-fiction : une planète compte 2 habitants. « Nff vit sur un grand continent, au milieu duquel se trouve un lac gigantesque. Pff, quant à lui, habite une île au milieu du lac. Nff et Pff ne savent ni nager ni voler ni se téléporter. Pourtant chaque matin, l’un va dans la maison de l’autre prendre le petit-déjeuner. Comment est-ce possible ? ». La réponse de Ian Stewart est que la planète a deux hémisphères : l’un liquide faisant lac et l’autre faisant à la fois continent et île. A moins d’imaginer des lois tordues extraterrestres.
Je ne suis pas d’accord que le terme « le milieu » (mal traduit de l’anglais ?) s’applique clairement à cette configuration, correspondant plutôt au pôle de l’hémisphère solide. Par contre, il y a (au moins) une solution matérielle, valable sur notre propre planète : une presqu’île menant du continent à l’île en enjambant un minuscule bras de mer de soixante centimètres de large en surface et beaucoup plus en profondeur (un chapelet d’îles ainsi quasi jointives aurait le même effet). Hors matérialisme réaliste, on peut aussi être avec quelqu’un de manière imaginaire, et les mers ne font alors pas obstacle.
• Ma logique est différente (page 165+329)
Une devinette parle d’hippopotames, écureuils, hibernation, chênes, manger des glands ou des chapeaux, avec des prétendues vérités biologiques ou géographiques ou comportementales. Ça complexifie pour rire, mais je simplifierai au contraire pour mettre à l’épreuve mon sens logique. L‘énoncé est un groupe de vérités posées indiscutables (ou axiomes) : en couleurs de points, (1) A n’est pas rose, (2) si B n’est pas bleu alors C est jaune, (3) si C n’est pas jaune alors D est vert, (4) si B est bleu et D est vert alors A est rose. Conclusion ?
A la recherche de la réponse, il faut titiller l’énoncé pour voir où il mène. Puisque les affirmations diverses sont incontestables par principe, je partirai du seul point de raccordement, la confrontation vaguement contradictoire de (1) et (4) : puisque A n’est pas rose (1), l’énoncé (4) signifie : « B n’est pas bleu » ou « D n’est pas vert » ("ou" valant "ou/et", pas "ou-bien"). J’examine les branches :
– Si B n’est pas bleu alors C est jaune d’après (2), on n’en sait pas davantage.
– Si D n’est pas vert, alors C est jaune d’après (3).
Bref, dans les deux hypothèses, ou leur conjonction, tout ce qu’on conclut, c’est que C est jaune.
Que répond Ian Stewart ? « C est jaune », d’accord mais pourquoi ? Il dit : supposons que C n’est pas jaune, alors D est vert d’après (3), alors B est bleu et D est vert, alors A est rose selon (4), or A n’est pas rose selon (1) : contradiction. « Donc (raisonnement par l’absurde) mon hypothèse selon laquelle » C n’est pas jaune « est forcément fausse », C est jaune.
Je vois là une difficulté cachée : d’où sort l’affirmation que B est bleu ? Le fait que « si B n’est pas bleu alors C est jaune » n’implique pas directement que « si C n’est pas jaune alors B est bleu » (sauf récitation par coeur de règles en la matière, ce qui a une valeur mathématiquement nulle). Il n'y a pas seulement B non bleu avec C jaune, d'une part, B bleu avec C non jaune, d'autre part. Il ne faut pas confondre implication (la réciproque n’est pas vraie) et équivalence (la réciproque est vraie). Exemple intuitif : « X a gagné la course de 100m olympiques » implique que « X a obtenu une médaille d’or » (mais la réciproque n’est pas vraie : il y a bien d’autres courses). Toutefois, l'implication ici interdit le cas B non bleu et C non jaune, donc il ne reste que B non bleu avec C jaune, B bleu avec C non jaune, B bleu avec C jaune, alors... laborieusement, C non jaune implique B bleu, d'accord.
Par ailleurs, pourquoi aurait-on spécialement mis à l’épreuve cette hypothèse là, parmi les 6 possibles (B bleu ou non-bleu, C jaune ou non-jaune, D vert ou non-vert) ? Il y a donc à la fois un apparent manque de logique dans le cheminement aboutissant à la conclusion et puis parachutage de réponse, je n’aime pas ça. De la part d’un élève, cela mériterait un appel à davantage de vigilance et réflexion… de la part d’un professeur, ça vaut presque Zéro.
Pire : l’intitulé détaillé emploie un temps futur néfaste, qui rend complet mon désaccord : (1) A ne sera pas rose, (2) si B n’est pas bleu alors C SERA jaune, (3) si C n’EST pas jaune alors D est vert, (4) si B est bleu et D est vert alors A sera rose. Conclusion/réponse de Ian Stewart : C est jaune. Eh bien non, je répondrai différemment. Je reprends à partir de la confrontation de (1) et (4) : puisque A ne sera pas rose, soit B n’est pas bleu, soit D n’est pas vert, soit les deux.
– Si B n’est pas bleu alors C sera jaune d’après (2), on n’en sait pas davantage.
– Si D n’est pas vert, alors C est jaune d’après (3)
Bref, la conclusion légitime est que « C est jaune ou sera jaune », on n’a aucune certitude logique sur son état présent. L’élève est en position de dire au professeur : « je peux casser votre prétendue démonstration (sinon : dites-moi où je me trompe, comme je vous dis où vous vous trompez, chacun peut comprendre) ».
• La leçon du contrôle-surprise (page 169-170+330-331)
Un professeur annonce un contrôle surprise la semaine suivante (non devinable parmi 5 possibilités : du Lundi au Vendredi). Mais un élève conclut que ça ne peut pas être Vendredi, car sinon on saurait le Jeudi soir que le contrôle est le lendemain, sans surprise. Reste 4 possibilités du Lundi au Jeudi, mais ça ne peut pas être le Jeudi pour la même raison, puisqu’on le saurait le mercredi soir, etc. L’idée de contrôle-surprise, de proche en proche, est annihilée. Pourtant, si le contrôle a lieu le mercredi, ce sera une surprise. Où est le paradoxe ? demande Ian Stewart. Et il conclue que c’est une arnaque, en deux pages, moyennement convainquantes pour moi, pardon.
J’exposerai différemment la position du professeur. Quand il dit « vous aurez un contrôle-surprise », c’est un mensonge : il annonce implicitement « vous aurez peut-être un contrôle-surprise, ou un contrôle le vendredi sans l’avoir su avant jeudi soir (ce qui vous oblige à réviser tous les soirs jusqu’au contrôle) ».
Pour moi, ce n’est pas anodin mais intéressant : la logique est impuissante face aux mensonges manœuvriers, hélas. Supputer la non-contradiction et l’énoncé honnête peut-être grandement naïf.
• La pseudo-démonstration de n’importe quoi (page 258-259+358)
Comme avec les hippopotames, cela parle ici d’éléphants jouant au jeu Mastermind, pour aboutir au Saint-Graal en mathématique moderne : l’hypothèse de Riemann – c’est là une caricature rigolote de l’absurde cachant le principe. Je simplifie ici. On part d’énoncés arbitraires : (1) A implique B, (2) B implique C, (3) C implique D, (4) D implique non A. On en déduit que E est faux. « Est-ce un raisonnement correct ? »
Je suis d’accord sur le fond avec la réponse négative de Ian Stewart, mais pas du tout sur sa démonstration. Il dit en réponse qu’il suffit de supposer au contraire que E est vrai, alors non-C est vrai. Mais C est vrai. C’est une contradiction, donc E est faux. « Evidemment, le même raisonnement prouve que E est vrai ».
J’avoue n’avoir rien compris à cette invalidation, pas plus qu’à la pseudo-démonstration attaquée. S’il y a contradiction dans l’ensemble des 4 axiomes-sources, c’est que leur ensemble n’est pas tenable, au moins l’un d’eux étant erroné, cela n’a aucun rapport avec la validité d’une proposition n’ayant aucun rapport avec la contradiction en question. Pour pouvoir suivre la pseudo-démonstration invoquée, il aurait fallu un cinquième axiome : (5) E est vrai. Alors la contradiction de l’ensemble aurait fait rejeter un au moins des axiomes, mais pas du tout spécifiquement le (5) en prétendant à un caractère démonstratif. Au contraire, ce 5e axiome n’est pas impliqué dans la contradiction, et reste donc hors-jeu dans la procédure consistant à traquer l’erreur.
Si j’avais reçu cette leçon à l’école, je l’aurai refusée, démolie par la logique pure. Certes, on ne peut pas démontrer n’importe quoi, mais on ne peut pas davantage réfuter n’importe comment.
Au total : un ouvrage passionnant (remuant les neurones), merci Ian Stewart (et merci à mes parents m'ayant offert ce bijou) !