Ai-je été harcelé et/ou harceleur ?
Vers 1964-75
par Méak Oulpa, 17/06/2023

  Récemment, les actualités télévisées ont insisté sur deux cas d’enfants se suicidant après avoir été victimes de harcèlement (« car » gros ou homosexuel ou retardé intellectuellement), et il est estimé à 10% la proportion d’enfants ainsi harcelés. Euh, avec le recul, est-ce que je juge que j’ai été harcelé ? ou/et harceleur ?
Différentier intra-familial et universel
   J’ai clairement échappé au sentiment destructeur « tout le monde me déteste car je suis… (tel ou tel) » mais à l’âge de 10 ans et demi, devant écrire une rédaction sur « faites le portrait de quelqu’un », j’avais dressé un réquisitoire intitulé « je hais mon frère ». Et cela ressemble aux mots des harcelés : mon bourreau se moque toujours de moi pour de mauvaises raisons, il veut me faire souffrir, que je souffre est victoire pour lui. Je ne parlais pas en termes moraux, je ne manipulais pas le besoin d’altruisme, et la logique propre à ce système. Je ne faisais que relater l’injustice et souffrance vécues, douloureusement. J’ai même oublié de mentionner que ma douleur à être très laid (« car » avec des grandes oreilles décollées) a été atténuée par mes parents me faisant opérer chirurgicalement de ce côté, par recollement des oreilles. Le reste était des gamineries, en un sens : si je détestais une chanson, mon frère la chantait tout le temps, très fort, en ricanant si je protestais, etc. Et si je voulais garder mes secrets de cœur, il se moquait que je sois ridiculement amoureux de unetelle, et plus encore si je protestais. En ce sens, j’étais peut-être victime de harcèlement intra-familial, mais pas de harcèlement scolaire.
   En classe, j’étais toujours premier de la classe, et ça aurait pu m’attirer des moqueries haineuses mais je n’ai pas connu cela, de la part de confrères écoliers.
   Le mécanisme expliquant l’attitude de mon frère semble avoir été une jalousie maladive de sa part, ne supportant pas de voir partager l’affection parentale qu’il aurait voulu toute pour lui. J’ai cru comprendre que quand j’étais nourrisson, lui âgé de trois ans et demi m’a « mis à la poubelle », mais ce n’est pas confirmé, ma mère ayant fait taire mon père, peut-être pour exagération injuste, peut-être parce qu’ils s’étaient autrefois jurés de ne jamais me le dire. Je suis aujourd’hui réconcilié avec mon frère, ouf. Il reste des séquelles mais ça va.
De l’autre côté
   Je me souviens, une année, avoir été un peu soulagé par une autre victime, détournant en partie la méchanceté des deux grands enfants en question : Patrice T., sous les quolibets de Pierre-François M. et Pierre-Louis E. Or je crois avoir ressenti un sentiment (horrible maintenant, vu avec recul) de réconfort. Je n’ai assurément pas participé à harcèlement, de type « le traiter de gros ou de stupide », mais quand les méchants le raillaient, à « ma » place (genre « ouh, la honte : il est amoureux de unetelle »), j’ai peut-être pensé ou exprimé quelque satisfaction « yeah… (c'est pas moi qui trinque aujourd'hui) »… C’est affreux, et je m’en excuse, c’est simplement très compréhensible, égoïstement, comme mécanisme d’auto-défense, aux dépens d’autrui, désolé.
   J’aurais voulu le recontacter maintenant, pour lui dire mes excuses, mais ses nom-prénom ne sont pas rares, avec plein d’homonymes sur Internet. Donc impossible, hélas. Et, en un sens, ce geste de ma part aurait été un peu absurde quand ses principaux bourreaux ne s’excusaient en rien, eux. Ni les adultes de l’époque, complices (en n’ayant pas fait cesser les moqueries par acte d’autorité).
   Pour mémoire, en semi-codé, je me note le nom de la personne : Патрис Туринйи.
Suite ou séquelles
   J’ai cessé d’être sensible à ces méchantes moqueries de gosses quand je suis tombé amoureux à l’âge de 15 ans. Irradié de bonheur, puis laminé de douleur d’être rejeté, je suis alors devenu suicidaire, pour la suite de mon adolescence et période de jeune adulte. Les psychiatres m’ont jugé malade mais je les juge incompétents. Je vais mieux maintenant, sauvé par celle qui est devenue mon épouse : Emelyn D.
   Si je repense à tout ça, c’est que je rembobine et parcours le film de ma vie, avant d’entrer à l’hôpital pour la 3e chimiothérapie de mes maintenant 8 cancers. Ce n’est pas religieusement pour un passage en Jugement Dernier, non, c’est psychologique, un besoin d’auto-évaluation, pour excuses honteuses là où nécessaire. Mea Culpa.